Les livres de la fin 2024, ma vie de lectrice chapitre 4
Ce que j’ai pensé du Goncourt, d’un des best-sellers de l’année et autres lectures plus ou moins réjouissantes.
Bienvenue dans cette 46ème édition de Aux livres, etc. 📚
Ici, on se penche davantage sur l’acte de lire que sur celui d’écrire, en se situant du côté des lecteurs et lectrices, avec toutes les deux semaines une thématique liée à la littérature et à la lecture. Retrouve la genèse du projet par ici pour en savoir plus.
Avant toute chose, je vous souhaite à tous une belle année.
Collectivement je ne pense pas qu’on puisse attendre grand-chose de 2025, je vous souhaite donc surtout de belles lectures ! Continuons à nourrir l’espoir, à trouver de la force, de la lumière ou la paix dans les livres.
Que la littérature continue à être un refuge cette année.
Retour sur la fin 2024 dans cette première newsletter de l’année avec mon avis sur mes dernières lectures.
Je vous avais sondé dans la précédente revue de lecture et ce format reste donc cette année. Je vais toutefois m’autoriser à être plus narrative, à vous raconter mes lectures plus qu’à les lister de manière formelle.
D’autant plus que j’ai eu pas mal de déceptions et subi l’ennui de livres qui me tombaient des mains, donc je ne les citerai pas tous.
Revenons donc sur les plus mémorables (en bien ou mal…).
Avant tout, mon avis sur le Goncourt.
(Que personne n’attend puisqu’on en a déjà tant parlé, mais je me suis efforcée de le lire en entier donc je vais me permettre de le donner !)
Dans Houris, Kamel Daoud dresse un portrait de femme, victime de la décennie noire algérienne, de la guerre civile tabou qui a eu lieu dans ce pays.
On ne peut pas échapper à la polémique qui auréole l’ouvrage (parce qu’il a été primé ? Parce que Daoud était déjà un auteur controversé [jugé islamophobe] ? Sont-elles orchestrées comme il le prétend ?) mais parlons du texte plutôt que de ce qui l’entoure.
Je n’avais jamais lu Kamel Daoud et j’ai découvert une belle langue mais j’ai été décontenancée face à cette litanie étourdissante. Je ne sais pas si c’est son style habituel mais nous sommes ici dans le rabâchement des mêmes thèmes inlassablement, pendant les deux tiers du livre, sans que rien n’avance. Le récit dérange, gêne, parfois jusqu’à l’écœurement.
Ce n’est vraiment pas une lecture plaisir, malgré la belle langue, mais une de celle qui imprime des images dans la tête, jusqu’au dégoût. Pour ça, c’est probablement de la grande littérature.
On peut aisément ne pas aimer mais il n’y a pas à aimer ou non ce texte à mon sens ; il a le mérite d’exister et de faire la lumière sur un épisode plutôt tut de l’histoire algérienne. Et pour cause, à en juger par les polémiques qu’il a déclenchées et la rétention de Boualem Sansal (auteur algérien contestataire du régime) qui a suivie.
Ma grande déception…
Le Barman du Ritz de Philippe Collin, dans lequel j’avais pourtant placé pas mal d’espoir.
C’est peut-être là le problème. Je m’attendais à un chef-d’œuvre mais si l’histoire est intéressante, le style lui est alarmant ! Je n’y ai trouvé aucun plaisir d’écriture et j’ai passé mon temps à lever les yeux au ciel et à me demander pourquoi diable le roman a été pensé avec un point de vue externe. Les passages de journal intime (si peu crédibles, lourds) du barman sont artificiels et n’apportent absolument rien (si ce n’est la preuve qu’il aurait fallu un point de vue interne). Une béquille narrative. Ce récit qui aurait pu avoir tant de force, se retrouve être une succession de clichés et de lieux communs. Pour preuve, lisez toutes les fins de chapitres, d’une lourdeur abyssale.
L’histoire reste intéressante, elle offre un regard plutôt singulier sur la période de l’Occupation à Paris, depuis un des chantres des dignitaires nazis. Je suis donc allée au bout… non sans peine. Je regrette le traitement.
(Je m’autorise ces mots car les exemplaires s’en sont vendus à plus de 5 M€ donc ma critique ne lui fera aucun mal.)
Pour panser mon tourment, j’ai relu Dora Bruder de Patrick Modiano.
Un autre regard sur l’Occupation à Paris, plus fantomatique comme Modiano en a le secret mais ô combien plus agréable à lire (vous le savez si vous êtes fidèle, c’est mon auteur favori) ! Dans ce récit central de son œuvre, Modiano enquête (de manière biographique et presque topographique) sur la vie de Dora Bruder, jeune femme juive déportée à Auschwitz avec son père. Il retrace l’histoire de sa famille, sa vie d’adolescente menacée à cette période et en profite pour dessiner en creux sa propre histoire, le portrait de son père dans ces années-là.
Ce récit de mémoire est intelligent, fort, nécessaire. À lire absolument.
Et soudain, vinrent la grâce et la lumière…
Avec l’Empreinte de l’Ange (Nancy Huston), Si peu (Marco Lodoli) et Le Syndrome de l’Orangerie (Grégoire Bouillier).
L’empreinte de l’ange marque ma rencontre (enfin) avec Nancy Huston et ça a été un énorme coup de cœur.
Encore un roman avec la Seconde Guerre mondiale en toile de fond, cette période a beaucoup teinté mes lectures (et ce n’est pas fini). C’est l’histoire d’une rencontre, d’un amour entre une Allemande exilée à Paris et un juif hongrois.
Ça soulève la question de la culpabilité, du pardon après la guerre, de la répétition de l’horreur (sur fond de Guerre d’Algérie). Des thèmes très forts servis par un style renversant et enveloppant.
Les mots sonnent, il y a un vrai jeu avec la langue, un phrasé musical (l’autrice ayant une relation étroite avec cet art). C’est un grand plaisir de lecture. On y trouve les fracas du siècle et des corps ; c’est vertigineux et entrainant et la fin est ahurissante.
Ce roman a été lu dans le cadre du cercle de lecture et nous avons tous éprouvé ce même plaisir donc je ne saurai que trop le conseiller. Et je vais beaucoup lire Nancy Huston cette année !
« Nous ne savons guérir notre douleur, seulement la transmettre, la donner en héritage. Tiens chéri. Nous avançons grotesquement, à cloche-cloche, écartelés : un pied dans nos petites histoires et l’autre dans l’Histoire du siècle. »
Merci à Sandrine de la librairie l’Instant pour la recommandation.
J’enchaine avec un second coup de cœur, conseil de Sylvestre, libraire au même endroit.
Si peu (Marco Lodoli) n’est pas une histoire d’amour, c’est l’amour même. Une merveille de douceur, de pureté, de simplicité. Ce petit roman nous fait rencontrer une narratrice au prénom inconnu, qui s’éprend d’un professeur de l’école dont elle est la gardienne. Nous sommes à Rome, mais dans la ville des habitants, pas celle des cars de touriste. C’est tout simple et ça dit beaucoup sur l’amour, la fascination et les relations. Le style est indolent, entrainant et délicat.
C’est une lecture calme et tout à fait jouissive, un bon moment assuré.
« Quand l’amour unit deux êtres humains, celui-ci devient plus petit, une tendre habitude, une complicité, un échange de caresses, de baisers, de douces paroles. Mais quand l’amour est comme le mien, juste un rêve solitaire infini, une insulte au malheur, un crachat à la face du destin, alors il élève ses flammes jusqu’aux cieux, il brûle et purifie tout et ne s’éteint jamais, ne se réduit jamais à un feu dans une cheminée qui réchauffe et apaise, qui illumine une maison bienheureuse. »
Le Syndrome de l’Orangerie de Grégoire Bouillier a été un des romans phares de la rentrée littéraire d’automne et pour cause. Avec son style caustique, l’auteur fait de nous ce qu’il veut ! Il nous entraine dans une enquête sur l’origine des Nymphéas de Monet qui nous mènera jusqu’à Giverny en passant par Auschwitz (encore ! Bien que ce soit le passage le plus étrange du roman, le lien m’a parlé). On s’amuse beaucoup, c’est très drôle (c’est même parfois la drôlerie qui semble être le moteur du texte). Mais on en apprend au passage beaucoup sur l’histoire de l’art (l’impressionnisme et Monet surtout) et la période de la Première Guerre. La fin renverse tout et éclaire le texte tout autrement. Un twist bien réussi.
« S’il y a une vie après la mort, elle est dans les livres, elle est dans la peinture, elle est dans les arts. Nulle part ailleurs. »
Du réconfort aussi côté théâtre et essais.
La parution de la pièce Edène d’Alice Zeniter est passée plutôt inaperçue ; la lecture de théâtre (hors classique) étant rare. Mais je ne pouvais pas passer à côté (fan de base) et je n’ai évidemment pas été déçue.
On retrouve le style et la patte d’Alice Zeniter, son engagement (il n’y a que des personnages féminins) et ses combats (on y parle rapport de classes et émancipation par les lettres). Un texte malin que j’aimerai voir joué.
Autre parution plutôt confidentielle, le Passé est ma saison préférée de Julia Kerninon. J’avais trois raisons de me jeter dessus : déjà, quel titre ! Puis l’autrice que j’apprécie, et l’utilisation de la figure de Gertrude Stein. Cet essai s’intéresse au lien entre écriture et littérature, au rapport fictionnel que nous entretenons avec le passé. C’est un livre féministe sur l’écriture, bien construit et qui fait du bien.
Une citation issue du livre : « Peut-être que pour nous comprendre pleinement, nous devons d’abord nous accepter comme fictions. » Jeanette Winterson dans son essai consacré à Gertrude Stein.
Avec Résister, la journaliste Salomé Saqué nous invite de manière très didactique à nous armer intellectuellement et à… résister.
La montée des extrêmes, on va en reparler à la prochaine élection. Mais c’est maintenant que ça se passe, tout le temps et partout (médias et internet). La propagation et la banalisation des idées. Les clivages. L’appauvrissement du débat… Ce court texte est un appel à rester informé et alerte, à entrer en argumentation et en combat quand il le faut. À éveiller les consciences qui peuvent l’être pour ne pas sombrer vers un inconnu qui a des airs de déjà vu et qui, quoi qu’on en dise, dessine un futur bien morne.
Les plus avertis n’apprendront rien mais c’est une lueur d’espoir et une idée cadeau qui reste d’actualité…
La quête du sushi parfait de Jad Ibrahim a aussi été un alléchant divertissement qui donne envie de retourner manger des sushis au Japon. Je pense qu’il parlera davantage à celles et ceux qui ont déjà visité le pays ou connaissent très bien sa culture culinaire.
Je suis complètement passée à côté des livres présents en bandeau que je ne détaille pas ici. Si cela vous intéresse d’en parler, contactez-moi par message ou en commentaire.
Ma liste d’envies du dernier trimestre a été cochée
Je commence 2025 par quelques lectures imposées par des rencontres, puis je me souhaite :
De grandes surprises dans la rentrée d’hiver (dites-moi si vous avez déjà des recos).
Lire un classique, probablement Zola.
Continuer ma découverte de Nancy Huston.
Enfin ouvrir mes livres en attente depuis la rentrée de septembre (Jaenada, Gabriella Zalapi que tant ont adorée, Christian Astolfi et Eliot Ruffel)
Ce sera déjà pas mal. Mon objectif sera surtout de retrouver du plaisir, j’ai enchainé pas mal de déceptions.
Bonnes lectures et à dans deux semaines avec un nouveau thème littéraire. 👋
Merci pour ces informations !! J'ai passé une bonne partie de l'année 2024 avec Jonathan Coe... et je le retrouve encore en ce début 2025 !
J'avais lu les 3 premiers "Rougon-Macquart" de Zola quand j'avais 15 ans... et voilà quelques temps que je pense à les reprendre et à (re)lire toute la saga.. la Curée m'avait impressionnée !
Top comme NL 🤩
Je suis d'accord avec toi sur le barman du ritz notamment sur le stylé, après j'ai beaucoup aimé l'histoire, la partie vraie du livre 😊
Je pense que tu peux lire Suite française qui est fou comme livre ... Je sais pas si tu connais ?
(Toujours pas lu Houris ... 😅)
Merci pour les reco ✌️