🌿 Les livres détruisent-ils la planète ? | #9
Si la déforestation ne se joue pas en librairie, y contribue-t-on par une boulimie de livres ? Quel impact a la littérature sur notre planète bleue (hormis la quantité de joie qu’elle y apporte) ?
Voilà, ma bibliothèque est pleine.
Je ne peux plus y ajouter un livre sans la sentir s’écarteler sous le volume des mots. La prochaine étape : liquider tout cet alcool pour gagner de la place.
En somme, je dois choisir : la cirrhose ou la fin de la lecture.
Et pour être honnête, ma collection déborde de la zone de la photo ; les livres se sont déjà frayé une place sur d’autres étagères et recoins de l’appartement (dont, bien entendu, le lieu d’aisance 🚽).
Est arrivé ce moment où je me suis dit mais tout ce papier, est-ce grave ?
(Et non, je n’ai pas eu cette révélation dans les toilettes 🧻).
À quel point est-ce qu’une vie de « grande » lectrice menace la planète ?
Tu l’auras compris, nous parlons cette semaine de l’impact écologique du livre ; plongeons tout de suite au cœur du sujet (que tu me lises sur le trône ou ailleurs 🚻).
« On les appelle les livres mort-nés : entre 140 et 145 millions de livres, fraîchement édités, sont pilonnés en France par an, soit 1/4 de la production littéraire. Ou encore 700 000 à 1 million d’arbres »
Maud Sarda, co-fondatrice et directrice de Label Emmaüs pour Actualitté.
Autant dire que l’industrie du livre pèse lourd dans la balance écologique. Moins que les transports ou l’énergie, je le concède mais elle représente son petit pesant de CO2 tout de même. 📚
Au niveau européen, le constat est le même, avec, par exemple aux Pays-Bas, 2 millions de livres détruits en 2021 en raison de la surproduction.
En Grande-Bretagne, les auteurs mettent gentiment la pression à leurs éditeurs, avec comme objectif « d’atteindre le net zéro dans l’industrie de l’édition ».
On note quelques évolutions ces dernières années. Les livres sont désormais généralement imprimés sur du papier issu de forêts gérées durablement, le label Emmaüs cité plus haut œuvre pour le recyclage des livres en France, les maisons d’édition s’engagent aussi (voir par exemple Editis ici).
Mais la mise au pilon de livres est commune et laisse à penser qu’une sélection plus rigoureuse, de la part des libraires comme des éditeurs, ne pourrait être que bénéfique.
Loin d’être un effet de mode, l’écologie du livre semble s’inscrire de plus en plus fermement dans les esprits des différents acteurs de la chaîne, et bien heureusement (ce bilan en Nouvelle-Aquitaine est très complet si tu as envie de creuser davantage le sujet). 🌱
Mais que peut-on faire à notre échelle ?
Que peuvent les lecteurs et lectrices pour la planète ?
J’ai commencé par poser la question à l’Ademe dont la réponse est on ne peut plus claire.
La lecture d’un roman de 300 pages format papier a, de prime abord, l’impact environnemental le plus faible sur l’ensemble des indicateurs pris en compte (ressources, émissions de CO2…). Toutefois, pour un usage de plus de 10 lectures par an, utiliser une liseuse numérique a des impacts sur le changement climatique plus faibles que de lire sur format papier (dans l’hypothèse où les livres papier sont neufs et jamais réutilisés). Dans l’hypothèse où chaque livre est réutilisé au moins 2 fois, la liseuse n’a un impact environnemental moindre qu’au-delà de 20 lectures par an.
Étonnamment, l’impact est moindre sur écran pour les grands lecteurs et lectrices. Et pourtant, bien souvent (ou du moins autour de moi), celles et ceux qui dévorent le plus de livres le font sur papier. C’est sans doute plus digeste ainsi 😋 (ça c’est moi qui le dis - et je n’ai toujours pas eu cette révélation aux sanitaires).
Alors que faire, si tu es, comme moi, attaché·e aux livres papier mais que tu espères respirer et pouvoir visiter Le Havre, Bordeaux ou Deauville après 2030 ?
4 idées retiennent mon attention.
➡️ Relire ses livres 📖
Réutiliser ses livres permet de réduire leur impact dans le temps. Et si on les relisait davantage ? Le critique Augustin Trapenard (aka Dieu, pour celles et ceux qui suivent) donne fréquemment ce conseil. Que ce soit pour retrouver un plaisir passé ou se remettre à la lecture en cas de panne. Il est vrai qu’il est toujours utile d’avoir près de soi un livre qu’on a aimé, pour en relire des passages ou se replonger dedans dès que le besoin s’en fait sentir. Est-ce que cela justifie d’en conserver près de 300 chez soi ? 🫢
Le doute est permis (mais Augustin en garderait plus de 30 000 dans sa magnifique pièce à vivre, de quoi me déculpabiliser clairement, regarde cette merveille 😍).
➡️ Faire circuler ses livres, leur donner une seconde vie. 🤝
Partageons-les en famille ou entre amis, semons-les autour de nous comme autant de pépites, de bulles d’évasion, de réflexions, de plaisir… En bonus : de nouvelles occasions de créer des liens avec ses proches.
S’ils ne lisent pas, tu peux toujours te tourner vers les boîtes à livre pour déposer des ouvrages (et en trouver de nouveaux !). Ce site répertorie celles qui pourraient se cacher près de chez toi.
S’il n’y en a pas à proximité, tu peux aussi en créer une avec trois fois rien, et voir où l’aventure mènera.
Ou te tourner vers le marché du livre d’occasion. À ce jour, 20 % des livres achetés en France transiteraient par l’offre d’occasion, selon une étude GFK très complète sur ce marché. On y apprend notamment que les acheteurs de livres de seconde main (pour 76 % d’entre eux) sont surtout motivés par les économies permises. Seuls 33 % de ces lecteur·ices évoquent le recyclage et le gaspillage.
44 % de ces consommateur·ices se tournent vers l’occasion en complément de l’achat de livres neufs. Une technique que j’applique de plus en plus en optant pour l’achat de nouveautés en librairie VS des classiques, déjà largement édités et vendus, d’occasion.
Je viens de tester le site La bourse aux livres (notamment pour des titres qui ne sont plus édités ou difficilement trouvables) ; un jour peut-être oserais-je sauter le pas de revendre mes précieux. 😨
➡️ Alterner avec des livres numériques ou audio 🤳
L’Ademe conseille en effet de se tourner vers ce support dès qu’on lit plus de 20 livres par an. La meilleure manière donc d’épargner à la planète les coûts matériaux liés à l’édition. Une pratique pourtant assez peu répandue, quand on sait que seuls 25 % des Français ont lu en numérique en 2022, et que ce chiffre est stable depuis 2016 (source).
Si l’on s’y mettait ? La fatigue du scrolling, la difficulté de lecture sur écran pour certains et l’attrait du support papier rendent le passage à l’acte parfois compliqué. D’autant plus quand on apprend que la lecture sur écran nuirait à la bonne compréhension d’un texte. Je te renvoie à cet article édifiant sur le sujet pour en savoir plus sur ce phénomène.
Pourtant, les amateur·ices de ce format mettent en avant le fait de pouvoir annoter leurs lectures, emporter avec eux une dizaine de livres en vacances, alterner entre différents bouquins selon l’envie… Quelques atouts à ne pas négliger pour s’y mettre davantage.
Pour en savoir plus sur les livres audio, rendez-vous sur la deuxième édition de la newsletter dans laquelle on a déjà fait un bon tour de la question.
➡️ Retourner en bibliothèque 👩🏫
Mes souvenirs de bibliothèque remontent à la prime enfance, lorsqu’on s’y rendait avec l’école le mercredi ou avec les grands-parents. Puis des bribes de passages discrets au CDI, il ne fallait pas trop s’y faire voir. 🫣
Avec eux, me reviennent en mémoire l’excitation de pouvoir choisir absolument ce que je veux, comme dans un marché gratuit, et la frénésie de lecture, à quelques jours de devoir rendre l’ouvrage.
Et pourtant aujourd’hui, je n’y vais plus. Je dois faire ma carte depuis à peu près deux ans et je procrastine. J’aime trop acheter et posséder (c’est dit) mais j’ai bien conscience que cela me permettrait de lire davantage encore, de faire de nouvelles découvertes et d’y emmener ma fille déjà fan de livres (maman fière 🥰), surtout ceux qui font des bruits d’animaux ou les « cherche et trouve ».
27 % des Français (étonnement surtout des hommes) empruntent des livres en bibliothèque, un chiffre relativement stable depuis 2015, selon le baromètre du CNL. Les freins principaux sont la préférence pour la lecture de son propre ouvrage (notamment chez les plus jeunes), l’intérêt pour la possession (coupable ✋), la difficulté de trouver certaines références en stock (notamment les nouveautés) et la pression de devoir rendre le livre avant une date donnée.
Pousser la porte de la bibliothèque près de chez soi (pour celles et ceux qui en ont à proximité, malheureusement tout le territoire n’est pas égal face à cet accès aux livres) serait déjà un premier pas. Rencontrer d’autres passionné·es, discuter avec le ou la bibliothécaire, profiter d’un endroit feutré… L’essayer c’est l’adopter ?
Promis, demain, j’y vais !
Surtout quand on peut passer du temps dans de telles splendeurs (mais ça, c’est un autre sujet).
Dis m’en plus en commentaires ou par mail pour prolonger la réflexion sur le sujet.
Thème privilégié de la littérature mondiale — du haïku japonais aux longues descriptions balzaciennes et motif obsessionnel des grands écrits romantiques — la nature fascine, émeut, inquiète, au point de devenir l’objet central de nouvelles pratiques d’écriture désignées par l’appellation anglophone de “Nature Writing” au tournant du XXe siècle.
Je te conseille de lire leur article ici pour en savoir plus, accéder à leurs recommandations et à l’interview d’Annie Lulu.
C’est la lauréate du Prix du roman de l’écologie cette année. Penche-toi sur la liste des 6 sélectionnés pour 2023 pour un panorama complet, en complément, bien sûr, du tenant du titre d’Annie Lulu
🦩 Peine des faunes.
Ce roman nous plonge dans la vie quotidienne d’une famille tanzanienne en 1986. Rébecca élève huit enfants. Sa fille aînée, Maggie, rêve d’étudier à l’université. Mais Rébecca entre en lutte contre une compagnie pétrolière sur le point d’exproprier les habitants de son village natal. Son départ précipité fait brutalement basculer le destin de Maggie et pose la première pierre d’une tragédie familiale s’étirant sur cinq générations.
De la Tanzanie des années quatre-vingt à l’Écosse contemporaine, Peine des Faunes est une ode poétique à la fragilité de la condition humaine et un urgent plaidoyer pour le vivant. Tissant ensemble les thématiques féministe et environnementale, Annie Lulu brosse une galerie de portraits de femmes inoubliables, dont le combat pour la liberté et la justice finira par être récompensé.
Personnellement, je viens aussi d’ajouter à ma wishlist le lauréat de 2022.
🔥 Indice des feux d’Antoine Desjardins
Soumise à la frénésie incendiaire du xxie siècle, l’humanité voit sa relation au monde déséquilibrée et assiste avec impuissance à l’irréversible transformation de son environnement. Explorant cette détresse existentielle à travers sept fictions compatissantes, Antoine Desjardins interroge nos paysages intérieurs profonds et agités. Comment la disparition des baleines noires affecte-t-elle la vie amoureuse d’un couple ? Que racontent les gouttes de pluie frappant à la fenêtre d’un adolescent prisonnier de son lit d’hôpital ? Et, plus indispensable encore, comment perpétuer l’espoir et le sens de l’émerveillement chez les enfants de la crise écologique ? Autant de questions, parmi d’autres, que ce texte illustre avec nuance et tendresse, sans complaisance ni moralisme. Indice des feux peint les incertitudes d’un avenir où tout est encore à jouer. Il faut prendre soin, mon homme. Prendre soin de tout, en particulier de ce qui est en train de disparaître.
Ça ne fait pas rêver (loin de là…) mais ces lectures engagées et qui nous projettent dans les enjeux de demain d’aujourd’hui sont vitales.
On se retrouve dans deux semaines pour une nouvelle exploration littéraire. D’ici là prenez soin de vous, de vos livres… et de la planète 🌎.
A bientôt 👋
Julia
Et bien sûr, si ce n’est pas déjà le cas, continue à suivre et à soutenir Aux livres, etc. en t’abonnant à la newsletter ou en la partageant.
Merci Julia pour la mention et bravo pour votre travail !
J'ai adoré cette édition de la newsletter, bravo Julia :)