La lecture est-elle devenue tendance ?
Les livres envahissent les réseaux sociaux et les book clubs fleurissent. Les signaux faibles d’une nouvelle tendance ?
Bienvenue dans cette 23ème édition de Aux livres, etc. 📚
Pour celles et ceux qui viennent de nous rejoindre, on aborde toutes les deux semaines une thématique liée à la littérature et à la lecture.
Ici, on se penche davantage sur l’acte de lire que sur celui d’écrire, en se situant du côté des lecteurs et lectrices.
Mon objectif : redonner une place de choix aux livres dans nos vies, arpenter le monde littéraire sans se prendre au sérieux, ouvrir le dialogue et échanger des recommandations.
Retrouve la genèse du projet par ici pour en savoir plus.
Sans préambule pour cette fois, on entre direct dans le vif du sujet !
Bien sûr, ce titre est un peu racoleur.
Comment parler de tendance pour une activité ancestrale, intérieure, profonde (certains iraient jusqu’à dire vitale) comme la lecture ?
Si je dois faire une prédiction pour 2024, on va voir émerger de plus en plus de concepts autour de la lecture, et de book clubs notamment.
Pourquoi ?
Quatre points m’ont interpellée ces derniers mois.
Cette nouvelle repérée dans la newsletter Komando (ici) que je cite désormais à toutes les éditions.
Il est de plus en plus courant pour les stars et influenceurs de s’afficher livre à la main, pour se donner une caution intellectuelle et/ou orienter l’intérêt de leur lectorat.
Et on s’en réjouit dans le fond. Car quel plus grand accomplissement que celui de donner envie de lire ? 🙃
Mamzelle Potter est aussi revenue sur ce phénomène de mode autour du livre, et sur la possible marchandisation de la littérature que cela entraine.
J’ai été captivée par cet article et la découverte de ces soirées new-yorkaises auxquelles j’ai envie de me rendre illico.
Le principe : choisir un livre, passer 1h à lire dans son coin en silence puis rencontrer et échanger sur sa lecture avec les autres participants.
Quelle belle manière de briser la glace, de lancer des discussions palpitantes et de créer du lien.
Franchement très chaude pour développer le concept en France, si certain·es veulent me suivre. 😇
Je découvre à l’instant l’existence de ce format en ligne, ce qui casse un peu selon moi le côté « facilitateur de rencontre ».
Et enfin, partout, j’entends parler de book clubs.
Et ces clubs de lecture ne sont plus une affaire d’intellos ou de vieilles dames.
(🤫 C’est le vrai sujet à peu près déguisé du jour !)
Prêts pour une longue liste de book clubs divers et variés ?
Voici où j’en ai croisé en 2023 (et avant) :
Dans la newsletter Komando (encore elle !) avec cette campagne super maline d’une marque de lunettes.
Dans le podcast de Pauline Laigneau. L’entrepreneuse recommande une lecture commune chaque mois, mais je ne suis pas sûre que cela aille plus loin que cette recommandation de livres coups de cœur.
Dans les cercles féministes.
Sur ce sujet très intéressant, les book clubs féministes sont bien antérieur à l’ère Instagram, ils existaient déjà au temps de la Révolution française.
Le podcast éponyme de Louie Media, en immersion dans les bibliothèques de personnalités.
Le Chap’ Book Club à Paris, que j’ai déjà présenté cet été.
Le pass culture a aussi lancé son book club à destination des jeunes (plus un système de recommandations que d’échanges).
Et bien sûr comment ne pas citer l’émission éponyme de France Culture (que je suis aussi religieusement que la Grande Librairie 😍).
Sur son compte Instagram, l’émission de Marie Richeux organise des lectures communes, mobilisant la communauté autour de romans pour tisser des échanges au-delà de la programmation.
Ces discussions en ligne par commentaires interposés me semblent avoir leur limite, l’expérience paraît moins profonde que dans les fameux clubs de lecture.
Étourdie par tous ces clubs de lecture, j’ai tout de même vérifié sur Google Trends que je ne subis pas l’effet bulle de filtre, avec ces contenus qui viendraient à moi parce que précisément je les cherche et les aime.
Depuis octobre 2023, on assiste à un petit décollage des requêtes autour des sujets club de lecture et bookclub (notamment avec l’émission de Marie Richeux, mais pas que).
Je suis même en retard sur la hype, puisque Vogue repérait déjà la tendance en 2019.
Si un premier regain d’intérêt a pu avoir lieu avec le confinement, où, enfermés chez nous, on a (re)découvert, pour ne pas devenir fous, les livres, la vodka et les rassemblements (sur Zoom). 🍹
Après 2021, on aurait pu s’attendre à jeter tout cela aux oubliettes ?
Le télétravail, les réunions Zoom, les Bloody Mary à 16h et nos livres de Poche n’ont pas déserté. Pas plus que les rendez-vous pour parler de ses lectures. 🤓
La série « Bienvenue au club » du CNL en atteste aussi avec un tour de France des clubs de lecture qui montre bien la diversité et la richesse de ses initiatives.
Mais franchement, avec tous les book clubs que j’ai cités, on s’y perd dans les concepts non ? 🫠
Système de recommandation, émission littéraire, club de lecture en ligne ou en physique… Le terme n’est-il pas devenu un agglomérateur de tout ce qui concerne la lecture ?
Dans le fond, c’est quoi un book club ?
Il se caractérise par un groupe de personnes qui se réunissent pour partager leur expérience littéraire.
J’en distingue trois grands types :
– Les clubs de lectures traditionnels, où, selon une temporalité établie, plusieurs personnes se réunissent autour d’un même roman, lu ou en cours.
– De ce concept initial, dérive le book club sur une thématique donnée, où chacun présentera sa propre lecture, pour ouvrir le débat sur un sujet spécifique.
– Enfin, certains groupes se rassemblent sur le principe d’une lecture partagée. Chacun se concentre sur un extrait de l’ouvrage choisi puis les échanges permettent de mettre en commun et d’avoir ainsi abordé tout le récit. Ce point-ci fonctionne mieux selon moi pour les essais et livres dont le style importe peu (non il n’est plus question ici de Bloody Mary, calmons-nous). Cela a toutefois l’avantage de rendre des œuvres denses accessibles à des personnes qui en auraient été tenues éloignées.
Côté grands succès on citera :
Le reading book club, depuis 2015 à Londres, spécialisé dans les essais et le passage à l’action par la lecture. La tendance du développement personnel n’est pas loin.
Le Feminist Book Club, lancé à Paris en 2018, autour de tous les sujets qui touchent aux luttes féministes.
Celui de Livraddict, actif en ligne depuis 2009 !
Envie de lancer ton propre club ?
Il peut y avoir plusieurs objectifs à un book club : partager son goût pour la lecture, apprendre, se motiver, approfondir des sujets…
Mais selon moi, sans fond et sans réelle communauté l’expérience peut vite tourner court.
J’ai le sentiment que les book clubs thématisés ont une chance de fédérer à plus long terme. On le voit dans les exemples ci-dessus, on pourrait aussi mentionner les clubs locaux à destination des immigrants à travers le monde qui souhaitent garder un lien avec leur langue et leur pays.
J’entrevois aussi des opportunités pour les clubs qui offrent une expérience hors du commun, comme le silent reading club de New-York cité plus haut, mais peut-être participe-t-il lui davantage à l’effet de mode.
« La force des clubs de lecture nouvelle génération réside dans le fait de prioriser des thématiques sociales et sociétales importantes. » Le Feminist Book Club.
Une évolution aux antipodes de l’image ampoulée des clubs de lecture de nos grands-mères autour d’un thé et de petits gâteaux (encore que, j’y goûterais bien à ces rendez-vous aussi !).
Alors, doit-on changer notre manière de lire pour plus de collectif ?
Ces clubs représentent un formidable outil, un espace d’empouvoirement par les livres, par l’échange et la rencontre.
C’est une manière de lire qui amène à s’interroger, à prendre davantage de recul sur le texte et de questionner son impact sur nous et sur le monde. Les lectures collectives tissent des liens et ouvrent des horizons communs.
La lecture solitaire n’en reste pas moins salutaire, bien entendu. Parfois, on aspire seulement à lire pour se divertir et respirer, lire pour soi, activité intérieure par excellence. Ce sont des approches très différentes mais qui cohabitent à merveille.
Seul bémol : la pile à lire risque de doubler entre les livres que l’on souhaite découvrir pour soi et ceux prescrits pour le book club.
Mais est-ce vraiment un bémol ?
Et les “book club de personnalités”, on en pense quoi ?
Si ce sont essentiellement des espaces de reco de leurs livres coups de coeur (merci Oprah pour la hype), ils ont le mérite d’amener des non-lecteurs à ouvrir un livre. Banco !
Tu souhaites concevoir, lancer ou animer un book club, ça m’intéresse ! Parlons-en par retour de mail.
Pour revenir à la tendance de fond pour la lecture, j’aimerais finir en citant (à nouveau) Julien Rousset de
, avec qui j’ai échangé (entre autres) sur ce sujet.« À force d’infobésité, on va peut-être se mettre au régime ! Je pense que plus le monde accélère, avec l’IA notamment, plus ce besoin de "lenteur" va être fort, s’accompagnant de toutes les activités liées à la reconnexion à soi. »
La tendance à vouloir lire davantage serait un élan salutaire, naturel, pour retrouver un esprit clair, calme et sortir de la frénésie de la course à l’attention.
J’ai envie de faire une expérience. 🤓
Je te propose pour février la lecture d’un roman sur lequel nous échangerons ensuite toi et moi ou en plus grand groupe.
Tenté·e ? Inscris-toi par ici pour voter pour l’ouvrage qui t’intéresse et poursuivre l’aventure, avant le 1er février (après cette date contacte-moi par e-mail).
C’est un test, une récréation, un divertissement qui n’a rien de définitif ni d’engageant.
On verra où cela nous mène. 📚
Je finis tout de même sur la recommandation d’un ouvrage qui m’a captivée en janvier.
Sonia Kronlund, journaliste et productrice de l’émission les Pieds sur terre pour France Culture (passion !) a enquêté sur les traces d’un serial lover, arnaqueur de l’amour absolument fascinant. Elle questionne notre rapport aux mensonges, à l’amour et à ce que l’on choisit de croire. Elle dresse surtout le portrait d’un homme aussi détestable que magistral, qui n’a aucune limite.
Je l’avais déjà adoré en podcast, j’ai davantage encore savouré l’histoire ici avec les incursions et commentaires de Sonia Kronlund. Le style reste très journalistique mais la réalité semble dépasser la fiction dans cette histoire fascinante.
Pour toutes les personnes qui ont aimé Di Caprio dans Arrête-moi si tu peux, la série Netflix l’arnaqueur de Tinder et tous les curieux et curieuses.
🤥 L’homme aux mille visages, Sonia Kronlund.
Un avant-goût en podcast par ici. 🎧
C’est tout pour aujourd’hui ! 🤓
Que ce soit en groupe, en solitaire, pour débattre ou pour décompresser… Bonnes lectures et à bientôt avec de nouvelles explorations littéraires. 👋