Les livres peuvent-ils sauver le monde ?
Serait-il possible de sauver l’humanité et notre planète en écrivant (et surtout en lisant) des livres ?
Bienvenue dans cette 50e édition de Aux livres, etc. 📚
Ici, on se penche davantage sur l’acte de lire que sur celui d’écrire, en se situant du côté des lecteurs et lectrices, avec toutes les deux semaines une thématique liée à la littérature et à la lecture. Retrouve la genèse du projet par ici pour en savoir plus.
Pour la 50e édition de cette newsletter (qui regroupe depuis la semaine dernière plus de 2000 abonné·es !!! Un grand merci. 🫶), on s’attaque à un sujet costaud.
Il m’a été inspiré par la lecture du dernier essai de Bruno Markov, De quel progrès avons-nous besoin ?
(Je vous ai déjà maintes fois parlé de cet auteur (reçu en interview sur l’IA ici) dont j’avais adoré le premier roman Le dernier étage du monde, une histoire de vengeance aux allures d’Illusions perdues du XXIe siècle — désormais disponible en Poche.)
Vous l’aurez compris, une fois n’est pas coutume, on commence par la recommandation. Et je vous conseille chaudement (sans me lancer dans l’humour noir climatique) de lire De quel progrès avons-nous besoin ?
On y partage les réflexions de Pascal, un décideur tiraillé entre deux récits de l’avenir : la crise écologique d’une part, et l’homme machine de l’autre, l’intelligence artificielle, la réalité augmentée… bref l’hégémonie de la technologie et des technocrates (suivez mon regard 😒). En découle un long raisonnement, très ludique et pédagogique, autour de la question qui donne son titre à l’ouvrage.
“Comment se fait-il que Pascal ait globalement conscience de la situation écologique, ainsi que de l'inconséquence de la trajectoire du progrès technique, qu'il en comprenne les causes et les conséquences, et continue pourtant d'appuyer sur l'accélérateur ?”
L’auteur, expert en innovation, déroule un argumentaire implacable mettant en évidence les verrous systémiques et les biais qui nous font tant résister à l’évidence de la crise écologique et nous empêchent de sortir de la course folle du progrès technique. Bruno Markov propose dans la dernière partie de son essai des pistes claires, pragmatiques et activables pour affronter les enjeux environnementaux… Et ça m’a donné un espoir fou (ce qui est un véritable exploit) ! Une autre voie est bien envisageable si l’on s’en accorde les moyens.
Je n’ai qu’une envie qu’il soit lu le plus largement possible pour que l’on s’empare collectivement du sujet !
Pourtant, à la page 190, Bruno Markov écrit « cela fait bien longtemps que la réalité consensuelle ne se fabrique plus dans les livres ».
Cette phrase en apparence anodine a causé un gros boom dans mon cœur ! 💔
Mais alors, tout ça pour ça ? Un essai si brillant pour que derrière il ne se passe rien ? Pas possible !
Mais pour que la déflagration s’élargisse, que l’action puisse naître, il faut en parler (dont acte) et que chacun puisse avoir accès à ce brillant travail.
En attendant, je poursuis sur ma lignée d’espoir, explorons le pouvoir des livres. 🦹♀️

Les livres ont-ils vraiment le pouvoir de changer le monde ?
Je dirais d’emblée qu’ils l’ont déjà fait… Sans aller jusqu’à citer les grands livres religieux, Marx, Darwin, de Beauvoir sont autant d’auteurs et autrices qui ont révolutionné nos modes de pensées et parfois nos vies. (Hitler sur un tout autre registre…)
Avec ces premiers noms qui nous viennent à l’esprit, les livres qui bouleversent le monde se situent sur le terrain des sciences (biologie, science politique, sociologie…) et de la philosophie.
Mais et la fiction alors ?
Elle n’est pas en reste ; elle aussi fait évoluer les mentalités en nous amenant à voir le monde différemment. Dans les romans, on éprouve l’altérité, on réfléchit autrement et surtout on prend le temps de le faire.
On peut citer de nombreux ouvrages qui ont eu de l’impact sur des sujets variés (colonialisme, totalitarisme, esclavagisme…), Radio France a d’ailleurs consacré deux belles séries documentaires à ce sujet (voir ci-dessous dans les ressources).
Mais la littérature a-t-elle encore vraiment ce pouvoir aujourd’hui ?
A-t-elle toujours assez d’aura pour impacter les foules ?
La pratique de la lecture reculerait, surtout chez les jeunes, face à l’invasion d’autres types de contenus. Netflix, TikTok, Twitch… avec une moyenne de 10h d’écran par jour pour les plus jeunes, qui a encore le temps (et le courage) d’ouvrir un livre ?
À une époque où nous sommes ensevelis sous des vidéos chocs de moins d’une minute, d’où part le déclic, l’impulsion des idées neuves ? D’un contenu éphémère aussitôt remplacé par une vidéo de chat équilibriste ? Ou d’un support dense dans lequel on aura pris le temps de se plonger ?
Lire, en 2025 plus encore, c’est prendre le temps du recul, de la nuance, de la réflexion. C’est s’extraire des algorithmes (selon l’endroit où l’on choisit son livre évidemment…), faire l’expérience de l’altérité et de l’empathie.
Face aux fake news, à l’abrutissement des idées et des débats, à la polarisation des sociétés, à la montée du populisme… lire est une prise de hauteur individuelle, un acte de résistance nécessaire.

Et pour preuve, les livres continuent à faire peur…
On en parlait il y a peu de temps, la censure fait rage, notamment aux États-Unis qui dépassent tristement la barre des 4000 ouvrages interdits (dans les établissements pour enfants).
Pourquoi cacherait-on ces ouvrages s’ils étaient si inoffensifs ?
On prête encore, à raison, un pouvoir transformateur au livre et à la fiction, au moins à l’échelle individuelle.
Mais collectivement, pouvons-nous encore être sauvés par les livres ?
Quand les Lumières ont popularisé leurs idées par ce biais, les livres sont-ils toujours capables de tenir ce rôle ?
Il est intéressant de prendre l’exemple des Lumières dont les concepts ont précisément pu être diffusés grâce à une alphabétisation qui a eu lieu dans le même temps. L’accès à la lecture du plus grand nombre est ce qui a permis la propagation de leur philosophie. Si la lecture recule aujourd’hui, on pourrait donc légitimement penser que la réflexion régresse aussi.
Bien sûr, lire n’est pas le seul moyen de réfléchir, il se trouve qu’un autre très bon vecteur de transmission d’idées est l’échange. La discussion, la rencontre. Et c’est précisément un point qui a aussi contribué à l’essor des Lumières. Les débats publics, les salons et les cafés tiennent historiquement une place centrale dans l’appropriation et le développement de nouveaux concepts.
Où sont-ils aujourd’hui ?
Où se rencontre-t-on pour débattre (hors de sa bulle de filtre) ?
Où sont passées les agoras ?
Oui aux cercles de lecture (et en tout genre), aux rencontres en librairie, en bibliothèque ou dans les cafés, oui aux académies, aux groupements, aux conseils.
Si le savoir (et le salut) est dans les livres, il faut aussi l’en sortir pour que le collectif s’empare de grandes et belles idées.
Rencontrons-nous, partageons nos réflexions, et faisons-le à des endroits où des algorithmes ne peuvent pas nous contraindre.
Un livre à lui seul ne peut rien, il a besoin de ses lecteurs.
Lisons et parlons de livres et de littérature ! ✊
L’essai de Bruno Markov m’aura aussi donné le goût des schémas, en voici un pour résumer cette édition.
🔗 Quelques ressources
📚 Des livres de l’ONU pour changer le monde selon les ODD
En 2018, l’Organisation des Nations Unies ouvrait son club de lecture destiné aux enfants, mais aussi conseillé aux adultes. Régulièrement, des listes de lectures accompagnaient ainsi les objectifs de développement durable, pour garantir une vie meilleure pour tous et toutes, à l’avenir. Un catalogue vient désormais réunir toutes ces suggestions.
Deux séries rétrospectives passionnantes de Radio France sur les livres qui ont changé le monde
🎧 Comment les livres changent le monde
🎧 Les romans qui ont changé le monde
🌍 Écologie et livres, nous en parlions ici au début de la newsletter.
📖 Et je vous invite à nouveau à vous plonger dans l’essai de Bruno Markov, De quel progrès avons-nous besoin ?

📣 Événement à venir
Le 11 mars, je vous donne rendez-vous pour le quart d’heure de lecture du CNL avec une reading party. L’occasion de lire… et de parler ensemble de nos lectures !
À mardi ou à dans deux semaines dans vos boites mail.
D’ici là, lisez bien (et battez-vous pour un monde meilleur) ! 👋
50e !!! Waouh !!! Et oui les livres changeront le monde pour le meilleur si on les partage !
👌