🚊 Métro, boulot, Hugo : vive la routine ! | #5
Où l’on parle de cocooning, de temps, de se soumettre aux livres et de littérature du quotidien.
Alors que l’hiver va tranquillement s’éloigner, on s’offre une dernière dose de réconfort.
On s’imagine sous un plaid, un thé fumant sur la table basse et un bon livre à portée de main, une certaine idée du bien-être. 🫖
Cet imaginaire de la lecture cocon est partout, on en est abreuvé dans les médias, sur les banques d’image, sur les réseaux sociaux surtout…
Mais qu’elle est néfaste, cette image !
Non, la lecture n’est pas que douceur et réconfort.
Non, lire un livre ne requiert pas de s’installer bien confortablement pour de longues heures.
Non, la lecture n’induit pas (forcément) le calme.
Affirmer tout cela, c’est cantonner le livre à des moments qui n’existent pas, s’imposer des conditions qu’il faut créer de toutes pièces et qui sont trop difficiles à mettre en place (surtout quand on a un téléphone sous la main ou des enfants agités qui courent autour de soi). Ouvrir un livre est un geste accessible partout, tout le temps, sans condition. Et c’est un acte qui peut secouer, déranger, renverser. Ce n’est pas nécessairement un réconfort et un moment de repos avec une boisson chaude au creux de la main. 👊
Alors (tu me vois venir ?), lisez, lisez partout, tout le temps, avec ou sans tasse de thé, avec ou sans plaid, dans le métro ou devant un feu de cheminée, sur la plage ou un canapé.
Sur ces bonnes paroles, nous allons nous pencher aujourd’hui sur un sujet qui souvent ennuie ou effraie (à tort ?) : la routine.
Où trouver le temps de lire ? Grave problème. Qui n’en est pas un. Dès que se pose la question du temps de lire, c’est que l’envie n’y est pas. Car à y regarder de près, personne n’a jamais le temps de lire. Ni les petits, ni les ados, ni les grands. La vie est une entrave perpétuelle à la lecture.
— Lire ? Je voudrais bien, mais le boulot, les enfants, la maison, je n’ai plus le temps…
— Comme je vous envie d’avoir le temps de lire !
Et pourquoi celle-ci, qui travaille, fait des courses, élève des enfants, conduit sa voiture, aime trois hommes, fréquente le dentiste, déménage la semaine prochaine, trouve-t-elle le temps de lire, et ce chaste rentier célibataire, non ?
Le temps de lire est toujours du temps volé. (Tout comme le temps d’écrire, d’ailleurs, ou le temps d’aimer.) Volé à quoi ? Disons, au devoir de vivre. C’est sans doute la raison pour laquelle le métro — symbole rassis dudit devoir — se trouve être la plus grande bibliothèque du monde. Le temps de lire, comme le temps d’aimer, dilate le temps de vivre.
Daniel Pennac, Comme un roman, Gallimard (1992)
Avant de voler du temps, si on partait déjà à la recherche du temps perdu (pas celui de Marcel, le nôtre) ?
Ces petits instants qui nous échappent, qui s’envolent à force de scroll sur Instagram et de vidéos TikTok… si on allait les combattre à coup de pavés (littéraires) ? 📓
Parce qu’au fond, lire, c’est tout simplement ça : se soumettre chaque jour à un livre. Prendre l’habitude de s’accorder ce temps, qui à force d’être volé, nous sera tout bonnement restitué.
Lorsqu’on parle de routine et de rituels, on pense très vite à cette idée qui voudrait que si l’on se contraint un certain temps, pouf 🪄, au bout de 21 jours, un comportement défini nous devient naturel.
Oublie tout de suite ce qu’on t’assène sur internet et dans les livres de développement personnel ces dernières années (ces deux sources peuvent déjà t’amener à douter)…
Non, il ne faut pas 21 jours pour adopter définitivement une nouvelle habitude.
L’origine de cette idée reçue a été retracée par Europe 1 dans cet article, où l’on découvre qu’il s’agirait plutôt de 66 jours… sans pour autant aucune preuve scientifique fiable. 🤨
Alors à quoi bon s’y mettre ? Moi qui souhaite intégrer la lecture à mon quotidien, que dois-je faire ? Comment se forger de nouveaux rituels ?
En s’astreignant à faire la même chaque jour… En lisant tout simplement.
Car oui, tout au long du chemin, que ce temps soit planifié ou volé, tu auras lu et cela t’aura permis de profiter des bienfaits de la lecture et de vivre de grandes (et j’espère belles) histoires.
Ce témoignage reçu sur LinkedIn en est une preuve parlante.
Une astuce pour s’y mettre : instaurer une routine, pour se créer une habitude. Je me suis donc imposé de lire 10 pages d’un livre chaque jour (soit minimum… 3650 pages par an, ça en fait des livres !). Le seul moment où c’est possible pour moi c’est juste avant de me coucher, peu importe mon état de fatigue.
Ce n’était pas hyper naturel au début, mais très vite on devient addict… C’est exactement comme la course à pied.
Aujourd’hui, impossible de finir une journée sans lire au moins 10 pages d’un livre. Et il m’arrive que les 10 pages se transforment en 20, voire 100 quand c’est prenant 🤓.
Bryan Coder
Sans introduire de notion de temps et de performance, sans se fixer un laps de temps record (change ta vie en moins d’un mois !), les faits sont là : quand on se met à faire quelque chose chaque jour, même si l’on se force parfois, cela devient partie intégrante de notre quotidien et de notre vie. Une routine quoi !
Il suffit de se lancer, d’y accorder une dizaine de minutes. Car après tout, « nous nous réveillons chaque jour avec 100 blocs de 10 minutes à notre disposition. Si vous vous sentez bloqué dans une ornière, essayez de faire quelque chose de différent de la normale avec deux ou trois blocs chaque jour » - extrait d’une réflexion passionnante sur le temps dans la dernière newsletter de
.L’idée serait donc de commencer petit, quelques pages ou un quart d’heure de lecture.
Ça tombe bien, c’est le concept d’un prochain événement du CNL. 🤓
Le 10 mars aura lieu le quart d’heure de lecture nationale avec l’opération #10marsjelis et il ne tient qu’à vous de rejoindre une des initiatives prévues pour l’occasion.
Cet événement s’adresse à tous les Français, petits et grands, salariés des entreprises, agents publics, usagers des transports en commun, commerçants, élèves et professeurs ou encore acteurs sociaux/éducatifs…
Ce jour-là, les Françaises et les Français sont invités à arrêter leurs activités, quand ils le peuvent, pour lire un livre de leur choix (roman, nouvelle, BD, conte, poésie, ouvrage documentaire, etc.) pendant quinze minutes au moins.
Le vendredi 10 mars 2023, participez vous aussi au quart d’heure de lecture national !
Sans arrêter soudainement toutes tes activités, fais de la place à la lecture ce jour-là. Prends rendez-vous avec un livre, va le choisir soigneusement en librairie ou rejoins un des événements prévus… le mien par exemple. 🤓
Le 10 mars au matin, j’enverrai une news spéciale avec une lecture par mes soins d’une nouvelle de Milan Kundera, tirée du recueil Risibles amours.
L’occasion de découvrir une nouvelle (dont on parlait dans la dernière édition), d’accorder un quart d’heure à la littérature et de faire naître l’étincelle, et pourquoi pas, une nouvelle habitude !
Et surtout, passe le mot autour de toi pour qu’on célèbre au maximum ce quart d’heure de lecture national le 10 mars.
À cette occasion, le CNL met aussi à disposition des extraits de livres.
Va fouiner par là-bas, je suis sure que tu trouveras quelques pages qui te subjugueront. Parmi les œuvres proposées, j’ai choisi Le bureau d’éclaircissement des destins de Gaëlle Nohant (sur une recommandation de mon éternel idole… Augustin Trapenard).
J’ai lu et vous conseille : Quand tu écouteras cette chanson, de Lola Lafon. Un texte puissant et bouleversant qui remet les idées en place sur l’histoire d’Anne Franck ; Il n’y a pas de Ajar, de Delphine Horveilleur, essai sur l’identité qui interroge mais qui est aussi très drôle !
Désorientale de Negar Djavadi fait partie de mes lectures des semaines à venir. À suivre… 📚
Pour revenir au thème du jour, j’ai été subjuguée par la vidéo d’une influenceuse américaine (ça arrive 🤷♀️).
Elle y détaille son challenge 2022 qui l’a amené à lire un livre par semaine ! Un beau palmarès de 52 livres avec des registres variés qui lui a permis de tirer des conclusions qui pourraient bien servir de pistes à celles et ceux qui ne parviennent pas à lire davantage (et qui auraient cette envie, je le rappelle, aucune injonction à la lecture !).
Voici ce qu’on peut retenir de ces 13 minutes de vidéo :
💕 Lire ce qu’on aime, je ne vais pas contredire ce point, on en parlait dans la précédente édition.
⏳ Dénicher le temps perdu pour le remplacer par un livre (voir plus haut 🙃).
📱 S’armer d’une liseuse pour pouvoir lire partout… voire utiliser son smartphone directement (version ebook ou audio) puisqu’où qu’on aille, on peut être sûr d’avoir toujours son téléphone avec soi.
🛫 Se mettre en mode avion, pour s’assurer de ne pas se laisser happer par les fameux démons numériques (on te voit, algorithme addictif de Tiktok 😈).
🛑 Abandonner les livres qui ne nous plaisent pas. Inutile de s’acharner sur un texte qu’on trainera comme un boulet alors qu’il y a tant à lire.
👯 Rendre des comptes : avoir un.e ami.e à qui l’on partage ses lectures ou lancer un blog, une newsletter (ahem) qui impose une régularité et pousse à honorer son « défi ».
Des idées, des suggestions, à toi de piocher ce qui te convient pour lutter contre la surprésence des réseaux sociaux et de la télé, pour aller vers plus de livres dans ta vie 😎
Une édition axée sur la lecture plutôt que sur la littérature cette semaine, j’espère qu’elle t’aura donné envie d’ouvrir un livre 📖
Et si c’est le cas, ça tombe bien, tu peux enchainer sur un des trois romans conseillés cette semaine, sur la thématique de la littérature du quotidien.
Loin des grandes épopées, des aventures à rebondissements, des récits extraordinaires, ces livres font la part belle au réel, au quotidien ; et par ce biais, ils disent tellement. Ils racontent une époque, une manière de vivre, des petits détails qui font le sel de l’existence ! Ils paraissent simples, mais transmettent des choses essentielles.
🍏 Les fruits tombent des arbres, de Florent Oiseau.
Le voisin de Pierre est mort, à l’arrêt de bus en bas de leur immeuble. Ce fantôme va hanter le protagoniste, oisif contemplatif, avec lequel on se régale à déambuler dans Paris (11ème) et dans l’existence comme dans un jeu de rôle où chacun tient sa place. On erre dans ce quartier où il ne se passe pas grand-chose, si ce n’est la vie qui suit son cours.
Il est subtil de captiver avec un roman qui ne raconte rien si ce n’est le quotidien. De très jolies phrases et réflexions, des personnages singuliers et loufoques en font une lecture délicieuse. Un récit vagabond qui se joue de notre condition humaine avec beaucoup de poésie et de légèreté.
« La nuit, il n’est plus question de tolérer le temps qui passe. La moindre seconde qui file est une semonce que l’existence me vole. Pourtant, le jour venu, tout s’estompe et je regarde des recettes d’omelette aux champignons sur internet. »
😶🌫️ La discrétion, de Faïza Guène.
Entrez dans le quotidien de Yamina, femme algérienne qui a fait sa vie et des enfants, à Aubervilliers. Vous trouverez dans ce roman le talent et la justesse de Faïza Guène pour conter la réalité et l’intimité de personnes trop souvent ignorées par la littérature. Dans cette famille, la discrétion se transmet de mère en fille (et fils).
Un récit juste et précieux, dont les personnages sont vibrants tant ils sont ancrés dans le réel.
« Pour toujours, elle gardera la tristesse profonde de ceux qui ont le sentiment de tout avoir abandonné, alors même qu’ils ne possédaient rien. Pour toujours, elle gardera cette illusion terrible, qui laisse croire qu’on peut quitter un lieu, y retourner et retrouver les choses comme on les a laissées. »
🍽 Les grandes occasions, d’Alexandra Matine.
À travers un prétexte simple et universel (ou du moins très français), le repas du dimanche, le récit offre un portrait acide d’une famille qui peine à se retrouver, avec en point d’orgue l’image d’une mère qui étouffe, en cette chaude journée d’été. La littérature du réel est un merveilleux moyen de déployer des personnages forts.
« On joue à des jeux parce qu’on ne veut pas se parler. On joue au Trivial Pursuit pour se poser des questions dont on connait les réponses. Ça crie beaucoup. »
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Si le genre de la littérature du quotidien t'intéresse, voici un article complet sur le sujet : Fuir le récit pour raconter le quotidien de René Audet.
Et enfin, la cuisine aussi est un champ du quotidien que la littérature culinaire explore et excelle à sublimer. La dernière édition de la newsletter
met à l’honneur la cuisine française du quotidien. 🥘On se quitte sur cette note alléchante 😋
À bientôt, le 10 mars 👋
Merci j'adore ! J'avoue que j'ai toujours le temps de lire car je lis tous les soirs avant de dormir. En règle générale, je ne crois pas à l excuse "je n'ai pas le temps". En fait, on devrait dire "je n'ai pas envie de prendre le temps".
Super édition, bravo Julia !!