📖 Tu connais la nouvelle ? | #4
Plus c’est court, plus c’est bon ? Où il est question d’amour à la page et de livres plus rapides à lire qu’un épisode de série… Une bonne manière de se (re)mettre à la lecture.
Cette semaine, l’amour est sur toutes les bouches. 🫦
Celles qui s’embrassent, celles qui s’ouvrent grand pour protester contre une certaine idée commerciale du romantisme, celles qui soupirent parce qu’elles s’en foutent.
L’amour se taille une place de choix dans la dernière édition de
, consacrée à ce sentiment. À lire pour découvrir des suggestions autour de ce thème et 5 choses que la littérature peut nous apprendre sur l’amour. 💕Car, oui, c’est bien d’amour dont il est question aussi avec les livres qui nous marquent.
Comme dans Balzac et la petite tailleuse chinoise, on rêverait de recopier l’œuvre aimée sur sa veste, au plus près de sa peau, toujours la conserver près de soi.
Au lieu de cela, on expose nos coups de cœur dans sa bibliothèque, on en parle autour de soi pour propager son enthousiasme, ou on lance une newsletter. 🫣
Si l’amour fait battre les cœurs, la passion littéraire faut aussi tourner les pages, plus vite, plus souvent.
Cela nous amène à une astuce évidente pour lire davantage : lire ce qui nous plait !
C’est d’ailleurs le conseil que donne le Dieu de la lecture (plus connu sous le nom d’Augustin Trapenard) à celles et ceux qui auraient une panne de lecture (Kyan Khojandi en l’occurrence, à la 50ème minute de cet épisode de Un bon moment)
Il faut toujours réapprendre à lire. Il y a forcément un livre que tu as aimé, une fois, même petit, un seul.
Replonge-toi dedans si tu as perdu le goût des belles pages, intéresse-toi à d’autres œuvres de cet auteur ou sur la thématique concernée.
Si tu ne sais pas bien ce qui te plait en littérature, tourne-toi vers Gleeph (encore lui) qui pourra te donner des suggestions en lien avec ce que tu as lu.
Parles-en avec ton ou ta libraire, tu verras, ils sont souvent plus forts qu’un algorithme.
Lorsque tu aimes ce que tu lis, prends des notes. Que ce soit sur le livre directement, dans un carnet ou sur ton téléphone, recopie les belles phrases, celles qui t’émeuvent ou te font vibrer, indique les passages qui t’ont surpris ou happé. Construis ton propre panthéon des émotions littéraires pour mieux comprendre ce qui te touche.
Plus tu aimeras, plus tu liras, alors cours, vole, explore, empresse-toi de multiplier les conquêtes et de partir à la recherche de ton âme sœur littéraire (polyamour fortement recommandé par la rédaction). 💕
Et pour te remettre le pied à l’étrier, nous explorons ce mois-ci un genre littéraire qui permet de se plonger dans des histoires plus vite et plus fort : la nouvelle. 💥
Un format court qui pourrait bien t’amener à lire frénétiquement, sans même que tu ne t’en rendes compte.
600 pages, une intrigue dense, une foule de personnages, un univers et un style à apprivoiser…
Avouons-le, on a parfois la flemme… et toujours un téléphone à portée de mains qui nous dit « viens offrir quelques heures au néant en scrollant sur Instagram ». 😵💫
Je te propose cette semaine de t’armer de tous petits romans qui te murmureront « regarde comme c’est facile, ce n’est que quelques pages ». « Avec moi, tu ne perdras pas ton temps, j’en prends si peu ».
Et avant même que tu ne t’en rendes compte, tu accumules les paragraphes, tu « lis encore quelques pages, après j’éteins » et tu ne te coucheras finalement que bien plus tard, emporté.e par des rêves semés de cédilles et d’apostrophes.
Courte, efficace, impactante, la nouvelle a tout pour plaire au XXIème siècle.
Présentée ainsi, elle aurait presque des allures de Netflix de la littérature.
Mais pour être honnête, en France, elle est plutôt à la littérature ce que le court métrage est au cinéma. 😒
Dans le monde du livre, les nouvelles ne pèsent pas bien lourd. Très populaires outre-Atlantique, en France, elles restent confidentielles. Boudées par les grands éditeurs, ce sont les revues et quelques indépendants qui les font vivre.
On est donc bien loin d’un phénomène grand public, avec un genre dédaigné, souvent vu comme un entrainement pour faire ses armes ou un « sous-roman ». Mais est-ce là le vrai visage de la nouvelle ? 🧐
Pourquoi est-elle systématiquement reléguée à l’arrière-plan de la littérature francophone ?
Pour approfondir la question, j’ai interrogé un éditeur spécialiste de la nouvelle, un de ceux qui contribuent à faire vivre ce genre en France : Olivier Salaün.
Bonjour Olivier, merci de m’accorder cette interview. Comment sont nées les éditions Antidata dont vous êtes un des cofondateurs ?
Antidata a d’abord été une revue en ligne. À la fin des années 90, on s’est précipité sur internet, c’était la pleine effervescence autour de ce nouveau média qui présentait pas mal d’avantages. C’est là qu’on s’est tourné naturellement vers le texte court, même très très court à l’époque, car la lecture sur écran n’est pas forcément agréable à la longue.
Internet a été le média idéal pendant un temps, puis on a fini par se lasser des liens hypertextes, des écrans, du côté virtuel et immatériel. On est d’une génération attachée aux livres, on a de grandes bibliothèques chez nous, et au bout de quelques années le naturel est revenu au galop : on a décidé de fonder une maison d’édition. Notre volonté était d’avoir des objets entre les mains, ce qui nous a amenés à nous intéresser à la partie matérielle du livre : la couverture, le choix du papier, le format… ce sont des questions passionnantes.
Vous choisissez alors de conserver votre axe autour des textes courts, vous n’avez jamais envisagé de publier des romans ?
On n’a jamais remis en cause la défense du format court, qui nous tient lieu de ligne éditoriale. Ce registre exclusif de publication nous permet de rester originaux et légitimes dans le monde de l’édition. Si c’est pour devenir un énième éditeur qui publie des romans français, je ne vois pas l’intérêt. Le texte court n’a la cote ni chez les libraires ni chez nos confrères (qui ne publient que rarement des nouvelles, à part celles de leurs auteurs établis, sauf quelques exceptions). Chez Antidata, nous sommes persuadés qu’il y a un lectorat pour ce genre, dont on fait d’ailleurs partie. Il y a un tas de lecteurs qui adorent les textes courts mais dans le milieu de l’édition en France ce n’est pas un genre défendu. En suivant cette ligne directrice, on a réellement l’impression d’être utile.
Savez-vous qui sont ces lecteurs qui se tournent vers les textes courts ?
Je n’ai pas étudié la question, mais de ce que je vois sur les salons, il n’y a pas de notable différence avec les lecteurs de littérature en général. Je dirais juste que c’est un public très féminin. Personnellement, je lis beaucoup de nouvelles mais aussi beaucoup de romans ; pour moi il n’y a pas de distinction entre les deux en terme de lectorat. La nouvelle est un format différent qui a ses propres saveurs, mais il n’y a pas de raison d’en faire une nourriture exclusive !
Dans les pays anglo-saxons, la nouvelle est un genre plus répandu et accessible. Comment expliquer son manque de visibilité en France ?
Je suppose que c’est historique. La publication de nouvelles dans la presse s’est maintenue dans les pays anglo-saxons, alors qu’en France c’est devenu original. Le roman-feuilleton a d’ailleurs eu plus de succès dans la presse chez nous que la nouvelle. Je ne saurais pas dire d’où ça vient exactement mais c’est un état de fait. On ne va pas sauver la nouvelle avec Antidata, on est trop petit pour ça, mais on fait partie des quelques structures qui lui permettent d’avoir un petit peu de visibilité.
Comment définiriez-vous une bonne nouvelle ?
La qualité du texte ne me semble pas liée à une recette particulière. On se rend compte tout de suite quand on a affaire à un bon texte, dès les premières lignes. C’est bien écrit, intelligent, savoureux. On découvre un style, une personnalité. Et finalement, c’est assez rare. On ne publie que deux à trois livres par an, alors qu’on reçoit un à deux manuscrits par jour en moyenne. Seulement une infime partie d’entre eux sont publiables.
On assimile souvent les auteurs de nouvelles à des écrivains débutants, qui se rodent avant un roman. La nouvelle n’est-elle qu’un entrainement ?
C’est comme dans la musique où l’on dit que les bassistes sont des guitaristes refoulés, mais ce n’est pas vrai. La nouvelle, ce n’est pas juste un petit truc qu’on fait faute de mieux.
Pas mal d’auteurs nous envoient des nouvelles tout en travaillant aussi sur un roman, alors que d’autres sont plus à l’aise dans le format court et ont abandonné le long… On voit toutes sortes de profils. Quand on débute, le format court peut sembler plus facile, mais il a ses exigences. Beaucoup d’écrivains s’essayent à des textes courts pour prendre de l’assurance avant de se lancer dans un roman, c’est vrai, mais la nouvelle n’est pas pour autant un genre mineur, un tour d’essai. C’est un genre à part entière.
Et vous faites partie des rares acteurs qui défendent ce genre en France ! Il est remarquable de constater que vous restez engagés pour faire vivre la nouvelle, bien qu’elle n’occupe pas le devant de la scène littéraire.
On peut se permettre de publier uniquement par conviction parce qu’on est underground, à la marge du grand monde de l’édition. On a d’autres activités professionnelles qui nous permettent de ne pas nous reposer sur notre maison d’édition pour vivre : cela nous rend totalement libres de publier ce qu’on veut ! Il n’y a aucun calcul commercial dans notre démarche, on ne cherche jamais à publier un livre qui va plaire, se vendre… on ne raisonne pas du tout en ces termes là. C’est un peu différent des éditeurs plus installés, qui eux sont censés faire un peu les deux. Ils ont d’autres contraintes, c’est normal d’avoir une stratégie commerciale, je ne leur jette pas la pierre, mais il faut espérer qu’en plus de cette stratégie qui leur rapporte un peu d’argent, ils conservent aussi la passion sans calcul, censée faire partie du métier, et qui amène à publier des textes pour lesquels on prend des risques. Nous on a simplement la possibilité de ne faire que ça !
Un grand merci Olivier de m’avoir consacré du temps et de nous ouvrir les portes du monde confidentiel de la nouvelle en France.
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J’espère que ces lignes et cette interview t’auront donné envie de t’intéresser au format court et au travail des éditeurs indépendants qui défendent une littérature « coup de cœur » et de convictions.
Un genre à part entière, porté par des passionnés. Les textes courts offrent une richesse de style et de registres, qui les rendent aptes à plaire au plus grand nombre. Il y en a pour tous les goûts, tant pour les fans de littérature que pour les pressés, qui n’auraient que le temps d’un trajet occasionnel pour lire. La forme courte impose une intensité, une puissance qui se trouve parfois délayée dans un roman.
Les nouvelles sont de vrais concentrés de littérature qui mériteraient d’avoir un public encore plus large !
Si cette thématique t’interroge ou te passionne, je te conseille cet excellent article de Mediapart qui met en perspective de manière plus approfondie l’état des lieux de ce genre en France, ses acteurs et son avenir.
Et pour les féru.e.s d’histoire, rendez-vous ici ; la nouvelle en France commence à être éditée en 1456 !
L’amour… au format court ! 💞
C’est en quelque sorte un quicky littéraire que je vous propose avec des nouvelles sur le thème de l’amour !
Idéal pour (re)découvrir ce genre autour d’une thématique vibrante et qui couvre toute la littérature, comme l’a souligné Olivier Salaün lorsque je l’ai interrogé sur ses recommandations ❤️ au sein de son catalogue.
🦆 Laqué, de Guillaume Couty, publié chez Antidata et recommandé par Olivier.
Un texte drôle qui ne raconte pas une histoire d’amour à proprement parler, mais en contient une savoureuse. En 75 pages, une hilarante géopolitique culinaire de la subtile vengeance conjugale. Avec un goût inimitable de canard laqué.
🤤 Un pitch qui fait saliver. Un avis plus détaillé à consulter ici.
🦚 Love parade, de Philippe Hebrard, toujours chez Antidata.
Des portraits de femmes dressés par « un Don Juan à l’ancienne ». Un séducteur qui se moque de lui-même et qui, à travers ses rencontres, parle beaucoup de lui, avec talent et drôlerie.
Personnellement, Olivier m’a convaincue, j’irai découvrir ce portrait de charmeur oldschool.
🌍 Le poids du monde est amour, de David Thomas.
Encore lui ! Et oui, je n’allais pas passer à côté d’une nouvelle occasion de recommander mon chouchou de la micronouvelle ! Dans ce recueil, il explore le sentiment amoureux sous toutes ses formes à travers de savoureux textes extra courts. Addictif.
🏛 Maupassant, Tchekhov, Carver, Annie Saumont (enfin une femme !), la nouvelle a aussi ses classiques.
Découvrez-les par ici pour plus de recommandations ou par là (où Bartleby est cité, il n’entre pas dans la thématique de l’amour, mais c’est peut-être une des nouvelles les plus cultes !).
😱 Et oui, je n’ai mis en avant aucune femme dans cette édition !
C’est à l’opposé de ce que j’ai l’habitude de faire, par goût, par réflexe, par nécessité aussi. Pourquoi ? La nouvelle est un genre peu investi par les femmes. Il y en a quelques-unes, des autrices très reconnues même (Annie Saumont notamment citée plus haut), mais en comparaison à la littérature générale, je constate qu’elles peinent à se faire une vraie place. Vaste sujet, il est bien possible qu’on y revienne dans une future édition.
Alors une fois n’est pas coutume, les hommes sont à l’honneur. Parce que quand même, on les aime. ❤️
Et pour qui voudrait me lire dans un autre registre, ma nouvelle Amour Essence a été publiée en 2021 dans le recueil Parfums d’amour, au Cherche midi. Les premières pages sont accessibles en feuilletant le livre sur le site de la Fnac.
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Toujours aussi agréable de te lire, d’ailleurs tes nouvelles me manquent 😻