💼 Vive la rentrée… littéraire ! | #15
Y voir clair dans la rentrée littéraire pour ne pas se laisser ensevelir sous les 466 parutions automnales.
Je suis de celles qui se délectent des courses pour les fournitures scolaires, l’odeur des cahiers neufs, les pages à noircir et les feuilles qui roussissent 🍁.
J’adore la rentrée mais cette année je n’y arrive pas !
Trop chaud, trop soudain, trop pas envie.
À défaut de reprendre le travail avec enthousiasme, je me suis jetée à coeur perdu dans cette rentrée littéraire ; au rendez-vous dès le 25 août en librairie pour l’achat de livres tant attendus (on en parle à la fin de la news), la date était notée dans mon agenda depuis le début de l’été.
Maintenant il faut s’y mettre ! Je ne sais pas bien comment je parviens à dormir avec tant d’histoires et d’envies qui sommeillent près de ma tête de lit (dont certaines qui y trainent depuis un moment).
La rentrée a-t-elle été synonyme de lecture pour toi aussi ? Ou c’est dans le boulot que tu t’es replongé la tête baissée ?
Prêt·e à me suivre dans cette rentrée littéraire ?
C’est parti pour un tour de la question, et en fin de newsletter, les critiques des romans déjà lus, la liste de ceux qui me font de l’oeil et des premiers succès qui se dessinent.
Peut-être y trouveras-tu ton prochain coup de coeur littéraire, celui qui t’aidera à te remettre à lire ou un savoureux compagnon de route, car après tout c’est la promesse de toute bonne rentrée, un nouveau départ, de nouvelles histoires, encore plus palpitantes.
Rentrée des classes, retour au boulot, nouvelle saison théâtrale et culturelle, reprise du sport et autres loisirs associatifs…
Avait-on vraiment besoin d’y ajouter une rentrée littéraire ?
Sache pour commencer que c’est une (énième) exception culturelle française. 🐓
C’est le moment de l’année (qui va de mi-août jusque septembre) où les éditeurs publient leurs poulains.
Mais pourquoi diable à ce moment de l’année déjà surchargé ?
Parce que les prix littéraires les plus réputés sont décernés en automne.
Au fil du temps, les éditeurs se sont alignés pour faire paraître leurs romans fétiches juste avant, afin de pouvoir les soumettre aux grands jurés qui font le succès des livres (le Goncourt notamment, on en reparlera dans une prochaine édition dédiée au petit monde germanopratin des prix littéraires).
Toutefois, le début de ce phénomène de rentrée peut être daté un peu avant la naissance du Goncourt (1903), dans les années 1880-1890. Dans ces années fastes, les industries culturelles fonctionnent à plein régime et le public est demandeur. La « chose littéraire » devient un objet de discussion, médiatisé, la production s’intensifie. La rentrée littéraire est l’illustration même du caractère industriel de l’édition qui fait tourner les machines à impression et marque le coup à grand renfort de publicité.
Ce phénomène va crescendo jusqu’aux années 70 qui l’amplifient encore (notamment avec les grandes messes télé qu’ont été Apostrophe et Bouillon de Culture).
La rentrée littéraire c’est avant tout un coup de projecteur, un grand moment de publicité.
Autant dire une opération commerciale. C’est là que se fabriquent les phénomènes littéraires. On cherche à y faire des « coups » à grand renfort de médias. Mais la réalité est que la plupart des parutions passent inaperçues.
Et pour cause, comment émerger parmi 466 nouveautés ?
Être nommés pour les fameux prix, sélections qui agissent comme des short-listes de la rentrée littéraire ; puis en recevoir un.
Taper dans l’œil des libraires.
Avoir un nom qui « fait vendre » (on pense tout de suite à Amélie Nothomb, fidèle à toutes les rentrées littéraires).
Un challenge pour tous les auteur·ices et les 75 primo-romancier·es qui naissent en littérature cet automne.
Beaucoup d’appelés et peu d’élus.
Et pourtant, cette année, le nombre de parutions est historiquement bas.
Depuis 20 ans, il y a une tendance à la baisse (l’âge d’or de l’industrie culturelle cité plus haut est-il derrière nous ?), renforcée en cette rentrée par l’inflation et le coût du papier. Sans oublier la dimension écologique qui amène les maisons d’édition à faire évoluer leurs pratiques pour réduire le nombre de livres mis au pilon chaque année (voir, sur ce point, l’édition dédiée à l’écologie du livre).
Un mauvais signe pour la vie littéraire ?
Ce serait ignorer que la rentrée ne représente que 5 % de la production annuelle de livres de littérature. Il n’y a pas que les mois d’août et septembre, des romans paraissent toute l’année. Le coup de projecteur est fort début septembre, mais, en réalité, en tant que lecteur·ice, il y a tout autant (voire plus) de plaisir et de découvertes à faire le reste du temps.
Alors pourquoi je me rue toujours sur la rentrée littéraire avec une telle ferveur ?
Parce que c’est un événement, une fête, un rendez-vous joyeux ! 🎉
Quelle émotion de voir tant de nouveautés débarquées en librairie (saluons le travail des libraires à pied d’oeuvre dès août pour donner vie à cette rentrée !).
C’est un peu la fashion week de certain·es bibliophiles qui se précipitent sur les étals dans l’espoir de découvrir avant tout le monde une pépite, de pénétrer le premier sur la terre inconnue d’un ouvrage tout frais.
La médiatisation autour de la rentrée littéraire qui commence dès juin construit une forte attente en jetant la focale sur quelques parutions. L’attention est dirigée, comme chaque année, plus tard, sur le Beaujolais nouveau (ou pas).
Entre coup marketing et bonheur de la nouveauté littéraire, voilà toute l’ambivalence que nourrit la rentrée littéraire, symbole d’un marché tiraillé entre production de masse et littérarité, et d’une industrie qui repose sur une cinquantaine de titres pour (sur)vivre.
Alors, faut-il la suivre ou pas cette rentrée ? Vers quels titres se diriger ? Rendez-vous dans les recos. 👇
Et compte sur moi en janvier pour te reparler de la rentrée littéraire… d’hiver, petite soeur de la grande messe d’automne, pour laquelle optent de plus en plus d’auteur·ices reconnu·es.
Pour aller plus loin
📺 A voir : un cycle de conférence de la BNF qui décortique tous les aspects et enjeux de la rentrée littéraire.
🎧 A écouter : le podcast du débat de midi "Rentrée littéraire, une tradition française qui compte encore ? "
🏃 A faire : filer en librairie pour découvrir les coups de coeur de cette rentrée.
Ceux que j’ai lus et aimés
👨💻 Le dernier étage du monde, Bruno Markov.
Avant qu’on m’accuse de parti pris, ce livre a été écrit par un ami, mais si je mets de côté mes sentiments à son égard et que je me fie à la critique : c’est un must have de cette rentrée littéraire. En tout cas c’est ce que pensent entre autres Libération, Usbek & Rica, le Figaro, la Fringale culturelle… Juges-en par toi même par ici.
Dans ce premier roman, Bruno dissèque le milieu du conseil, de la tech et des start-up avec un regard de fin connaisseur. Il nous parle de revanche, d’envie, de désir et de réussite individuelle.
Il captivera aussi bien les consultants qui reconnaitront des figures croisées en afterwork que les novices qui y trouveront des clés de lecture sur les enjeux autour des algorithmes, de l’intelligence artificielle et de l’économie de l’attention. Il séduira bien entendu tous les amateurs des mots qui découvriront un style mordant, des personnages plus vrais que nature et une langue acérée.
Je le conseille à tous !
🎭 Western de Maria Pourchet
Forte de son succès avec Feu il y a deux ans, Maria Pourchet était très attendue, mais ce roman divise. On redescend en effet un peu en intensité mais retrouve avec plaisir la plume unique de M. Pourchet, son style incendiaire et son regard affûté sur les relations humaines et amoureuses.
On y côtoie un comédien me-tooisé et une mère célibataire isolée. Ces deux personnages bien dans leur époque se rencontrent. Ça parle d’amour et de combat. D’ego et de damnation. De condamnation.
Je recommande ce roman parce que j’ai passé un bon moment (là où j’ai été passionnée et complètement emportée par Feu, priorise-le si tu ne l’as pas lu, il vient de sortir en poche), notamment à ceux qui ont aimé Cher connard de Despentes ou les précédents romans de Maria Pourchet.
❤️🩹 Tout ce qui manque de Florent Oiseau
Je suis sous le charme du style simple et saisissant de Florent Oiseau (découvert l’an dernier dans tous les fruits tombent des arbres dont j’ai déjà parlé). Cet auteur est si juste. Il ne cherche pas à dire ou à faire grand-chose et pourtant il y a tout : la vie, qu’en faire. L’amour.
C’est l’histoire d’une rupture, d’un homme qui se fait quitter et erre, en espérant la reconquérir avec un roman.
C’est la vie comme elle est, banale, sans détour et crue, injuste parfois ou absurde, étonnante et touchante toujours car les « personnages de roman sont partout sauf dans les livres ».
Je n’ai pas encore tourné les dernières pages mais je ne pense pas revenir sur mon amour pour ce livre, que je recommande aux rêveurs, aux flâneurs, aux observateurs des personnages de la vie de tous les jours.
Celui que j’ai lu et moins aimé
🐺 Hazel de Sarah Koskievic
Ce roman promet du cynisme, de la fureur, de la noirceur et de l’amour hautement toxique. Pourquoi pas, soyons secoués. C’est sale, provocateur (souvent un peu gratuitement) et malsain.
Malheureusement tout s’enchaine rapidement sans réelle profondeur. On ne s’attache que tardivement aux personnages qui sont survolés. Le dénouement se révèle intéressant mais il y aura eu des détours laborieux, parfois accessoires et artificiels. Ç’aurait été une très belle nouvelle en ramenant l’histoire à l’essentiel : celle de l’héroïne, de sa relation à la vie et à cet amour toxique et torturé.
(Livre offert par les éditions de La Martinière et Gleeph)
Liste de ceux qui se bousculent dans ma pile à lire et dont on reparlera bientôt
À suivre : les pavés du pardon (premier roman de Raphaelle
), le livre de la rentrée, Dès que sa bouche fut pleine, mon fantôme, les dragons, la peau sur la table.Je les veux - avis à celles et ceux qui connaissent ma date d’anniversaire 🙃
Panorama, le diplôme, mon petit, la propagandiste, Eunice, un simple diner, vous ne connaissez rien de moi, triste tigre (gros succès en vue, très plébiscité mais j’ai du mal à m’y mettre)…
Liste non exhaustive 🫣
Tu les as lus ? Écris-moi pour en discuter et me les (dé)conseiller 😉
Ils se font remarquer
Si tu aimes en général les prix littéraires et que tu cherches des « valeurs sûres » (tout est discutable), tourne-toi vers les multinommés, dont ces trois romans en lice pour les prix Goncourt et Renaudot.
Les Conditions idéales de Mokhtar Amoudi (déjà lauréat du prix Envoyé par la Poste)
Croix de cendre d’Antoine Sénanque
Humus, de Gaspard Koenig
Encore plus de recos par ici, dans la toujours savoureuse newsletter
Et un dernier tuyau pour faire ta propre sélection (outre celui de demander conseil à ton/ta librairie) : tu as adoré des romans, regarde les parutions de la maison d’édition, il y a des chances pour que tu y retrouves une patte, un style, un sujet qui te plaira aussi.
C’est tout (et c’est déjà pas mal) pour cette reprise.
Rendez-vous dans deux semaines sur un nouveau thème, toujours littéraire.
D’ici là bonne rentrée littéraire à tous et toutes. 👋
merci, je file commander ❤️🩹 Tout ce qui manque de Florent Oiseau