Finir ou ne pas finir un livre ?
Pour celles et ceux qui ne savent pas que c’est possible, qui n’osent pas ou qui ne se sont jamais posé la question.
Bienvenue dans cette 38ème édition de Aux livres, etc. 📚
Ici, on se penche davantage sur l’acte de lire que sur celui d’écrire, en se situant du côté des lecteurs et lectrices, avec toutes les deux semaines une thématique liée à la littérature et à la lecture. Retrouve la genèse du projet par ici pour en savoir plus.
Les yeux qui se ferment, des soupirs profonds, l’esprit qui divague…
Que faire face à ce roman trop long, trop savant, trop pénible, trop cliché, trop barbant, trop soporifique… ?
Aller au bout ou abandonner ?
Telle est la question qui tiraille régulièrement lecteur·ices agacé·es, assoupi·es ou ennuyé·es.
On fait le point aujourd’hui pour en finir avant les atermoiements et arrêter de se poser en boucle la même question « bon, je continue ou pas ? ».
Je faisais plutôt partie de l’équipe « jusqu’au-boutiste » mais, petit à petit, j’ai basculé de l’autre côté ! Je compte sur vous pour me donner votre point de vue dans ce débat houleux, qui déchaine les foules entre Saint-Germain-des-Prés et la foire de Brive.
Et en fin de newsletter, des recommandations de page-turners (vous m’excuserez l’expression que je ne parviens pas à traduire en français sans cette longue périphrase), livres addictifs qu’on ne peut plus poser une fois qu’on les a commencés.
Avec cette newsletter, j’ai pour ambition de donner envie de lire. Pas de pousser à abandonner des livres. Et pourtant ça fait partie de la lecture.
Combien de lecteurs ne se sont jamais posé la terrible question de refermer un livre à la centième page ?
Jusqu’à récemment, je ne m’autorisais pas à le faire.
Cela ne m’était arrivé que quelques fois, avec la Recherche et le Grand Meaulnes notamment, lus à mon avis trop jeune, qui m’étaient tombés des mains.
J’abandonnais rarement, dans l’espoir qu’à un moment ils me plairaient ou pour en connaitre le dénouement, la curiosité l’emportait sur l’ennui.
Cet été, j’ai mobilisé une quinzaine de lecteur·ices de cette newsletter autour de deux romans indiens. L’un des livres (je vous en reparlerai) m’est complètement passé au-dessus, trop occupée que j’étais à lever les yeux au ciel et à soupirer du fond de mon ennui. Je n’ai accroché ni à l’intrigue, ni au propos, ni au style… J’ai hésité longuement à l’arrêter, ayant embarqué quelques personnes dans cette galère lecture avec moi, mais un article partagé dans la newsletter The Atlantic (When Is It Okay to Not Finish a Book?) est arrivé à point nommé dans ma boite mail. J’y ai vu un signe.
J’ai arrêté, personne ne m’en a voulu et je ne regrette pas.
Je suis sur la voie de la décomplexion totale de l’abandon.
Pourquoi ce changement de cap ?
En un mot (ou six) comme en cent : on n’a qu’une vie ! Pourquoi perdre son temps avec des textes barbants quand il y a tant d’autres livres alléchants qui nous tendent leurs douces pages ? (Et 263 ouvrages en attente dans sa liste. 🫣)
Il peut, bien sûr, y avoir des raisons de s’accrocher jusqu’à la fin.
Ami·es jusqu’au-boutistes (oui, j’en ai quelques-unes), je ne vous renie pas totalement. 😉
La curiosité et l’espoir peuvent l’emporter sur le désintérêt (mais alors, m’est avis qu’il faut un minimum de style).
Certains pensent qu’il y a toujours quelque chose à tirer d’une lecture, même si elle ne nous plait pas.
D’autres mettent un point d’honneur à finir un livre pour pouvoir compléter leur tableau de chasse. La course à la lecture qui sévit parfois sur les réseaux sociaux ou applications lecture ne vous a pas échappé. Lire entièrement un livre permettrait pour eux de décrocher une médaille supplémentaire, et d’afficher sur leur compte Instagram « 112 livres lus en 2024 ». Bon, inutile de développer ce que j’en pense, on en a déjà parlé par ici.
Enfin, raison qui me semble finalement parmi les plus légitimes, pour pouvoir critiquer un livre impunément, il faut l’avoir lu jusqu’à la dernière ligne. Aucun critique littéraire (amateur ou professionnel) ne peut s’autoriser à chroniquer un ouvrage qu’il n’a pas terminé.
Je distinguerai aussi les classiques, salués par la critique, ceux qui marquent une vraie rupture de style ou d’approche. Ceux-ci peuvent apporter un nouveau regard et nourrir notre culture littéraire ; raison légitime pour s’accrocher davantage et leur laisser leur chance. Cela ne veut pas dire qu’il faut aimer les classiques, mais qu’il est intéressant de les connaitre pour mieux pouvoir aborder la vie littérature.
Je ne désespère pas, par exemple, de venir un jour à bout de la Recherche du temps perdu, malgré deux abandons à mon actif. J’ai envie de savoir et de comprendre pourquoi tant de personnes en sont folles.
Abandonner un livre en cours de route ne veut pas dire que tu ne le liras jamais.
Il peut y avoir un meilleur moment pour s’y mettre (pourquoi se farcir Guerre et paix en pleines vacances à Rio ?) ou un âge plus adapté (s’attaquer à la Recherche à 14 ans n’était sans doute pas l’idée du siècle).
C’est ce que Pennac défend notamment dans Comme un roman. Et pour mieux coller à ses commandements du lecteur, je vais vous faire entendre ses mots à ce sujet. Nous sommes partie IV, chapitre 3, le droit de ne pas finir un livre.
Baisser les bras n’est pas dramatique, on peut accepter humblement de ne pas y arriver, y revenir plus tard, grignoter un livre par petit bout, préférer son adaptation audiovisuelle… ou, encore une fois, ne pas aimer un roman, même le plus grand.
Alors, quand décider d’arrêter un livre ?
Certains se donnent 50 pages pour être convaincus.
Pour moi, ça peut être un peu court ; considérer un ratio de 25 % du texte peut-être plus pertinent pour ceux qui ont besoin d’une règle rationnelle. 🤓
La question de l’abandon dépend essentiellement de la raison pour laquelle tu lis.
Si c’est un essai ou un roman que tu étudies pour un dossier, une thèse, un article, un projet… il est peut-être préférable d’essayer d’aller au bout. Il est même alors intéressant de se demander pourquoi tu veux le laisser tomber, pourquoi il te déplaît.
Est-ce que c’est vraiment mal écrit ou est-ce que l’auteur expérimente avec un sujet ou un style qui peut te désarçonner ?
Dans ce second cas, ça peut valoir le coup de s’accrocher pour mieux comprendre ton rejet, nourrir ta réflexion et percevoir un autre point de vue que le tien. Cela contribue à dresser, comme le disait Pennac, un panorama de ses propres (dé)goûts.
Si tu lis pour le plaisir, la question se pose en des termes beaucoup plus simples !
Est-ce que tu as envie d’arrêter de lire au bout de deux pages à chaque fois que tu ouvres ce livre ?
L’injonction à finir un livre peut conduire à l’arrêt total de la lecture.
On se désintéresse tellement de ce roman, c’est une plaie infinie qui pèse sur nos jours et nos nuits, on préfère se tourner vers son téléphone/Netflix/l’alcool plutôt que de passer une minute de plus à lire. Et cette spirale peut devenir infernale et t’éloigner à jamais de la littérature (sans exagération aucune). 🥹
Mais qu’est-ce qui est plus important ? Le fait de lire, de maintenir cette habitude, cette joie, ou de finir ce livre en particulier ?
On se sauve et on s’offre à soi-même le cadeau du soulagement, la bénédiction d’un nouvel ouvrage plus convaincant dans lequel se plonger et du retour de la félicité.
Tous les coups sont permis, parce que la lecture n’est pas une affaire d’injonctions mais de temps à soi, de cheminement personnel. Le tout, c’est de continuer à lire avec passion et plaisir. 🤓
Ces page-turners qu’on n’a pas envie de refermer.
Quelques (rappels de) recommandations déjà abordées ailleurs mais à côté desquelles tu étais peut-être passé.
Mes trois coups de cœur dans l’édition sur les pannes de lecture.
Les trois livres que j’ai conseillés dans cette vidéo pour la librairie l’Instant.
Sur Substack,
a aussi consacré une édition de sa newsletter Earworm à ce sujetJe compte sur vous pour enrichir la liste, on a toujours besoin de livres bien gourmands sur lesquels se ruer en cas de blocage ou de panne de lecture. 😋
Alors moi je n'abandonne jamais un livre, je le met en pause... 😇
Et parfois la pause dure tellement longtemps que j'ai oublié que je l'ai commencé un jour 🤣
Non sérieusement, j'abandonne plein de livres, mais c'est parce que j'en achète beaucoup trop et la nouveauté m'attire...
J'ai tout fait. Jusqu'auboutiste plus jeunes, mais je ne me rappelais que très peu des livres. Ensuite, je ne me suis pas gênée pour abandonner parce que hé ! On a qu'une vie et il y a tant à lire. Récemment, je pense à un livre où pendant de longues pages je ne comprenais pas pourquoi tout le monde me l'avait recommandé. Je me suis accrochée et finalement j'ai totalement changé d'avis. Comme s'il m'avait fallu un temps d'adaptation à l'écriture de l'auteur. Donc ça dépend vraiment des moments aussi. Mon plus grand plaisir est surtout de m'être remise à lire régulièrement 🖤