Ma vie de lectrice, chapitre 3
Bilan des lectures de l'été et de septembre. Des recommandations et quelques flops. 📚
Bienvenue dans cette 40ème édition de Aux livres, etc. 📚
Ici, on se penche davantage sur l’acte de lire que sur celui d’écrire, en se situant du côté des lecteurs et lectrices, avec toutes les deux semaines une thématique liée à la littérature et à la lecture. Retrouve la genèse du projet par ici pour en savoir plus.
Il est possible que ce soit la dernière édition « revue de lecture » que j’envoie.
Consigner les livres lus par ordre chronologique dans un retour critique à froid me parait être un exercice qui a ses limites dans le cadre de cette newsletter. Je préfère m’attarder sur des tendances, des mouvements de fond ou questions parfois plus futiles qui retiennent mon attention.
Ma mission ici est plutôt d’aborder l’acte de lire, sans spécifiquement parler de livres (sauf la rubrique reco, plus succincte, que je souhaite conserver).
Je réfléchis encore à la manière de faire évoluer ces comptes-rendus, sur Notes probablement (le flux d’actualité sur l’application Substack — l’utilisez-vous ?) ; mon fil de lecture restera toujours disponible sur mon compte Instagram, en Story.
Ou, peut-être que mes réflexions me mèneront à un regain d’intérêt pour cette rubrique. Allez savoir.
Si tu as un avis plus détaillé sur la question, preneuse de le lire, réponds simplement à ce mail ou partage-le en commentaire. Merci 🙏
Dans la dernière édition, je vous ai demandé des recommandations de classiques, je les relaie donc tous en fin de newsletter dans la partie reco.
Alors, qu’ai-je lu ces trois derniers mois ? On y va !
Bonne lecture
Les épisodes précédents sont là. Chapitre 1 - chapitre 2.
Ce bilan m’a permis de constater que l’été est une période propice à la quête de variété, hors de sa zone de confort et des sirènes des nouveautés, en lisant ce trimestre-ci : les recommandations de certains d’entre vous, plusieurs classiques, un essai, un genre qui m’est inconnu, de la littérature étrangère, de la poésie et une BD.
Au final : pas d’énormes coups de cœur, quelques très bonnes choses quand même, des moments de lecture agréables et des déceptions.
Une super BD qui rend la sociologie accessible
🧑🏫 La distinction, Tiphaine Rivière (BD)
C’est sans doute mon plus gros coup de cœur, parce que j’ai une passion inassouvie et pas assez explorée pour la sociologie.
Tiphaine Rivière rend Bourdieu limpide dans cette bande dessinée qui illustre la vie d’un prof de science économique et sociale dans un lycée de banlieue et ses élèves (finalement l’une d’eux aurait pu être moi il y a… 21 ans 🥺).
C’est très bien fait, très clair et passionnant.
À offrir à un lycéen ou à lire pour le plaisir de se refaire un shoot de socio.
Un classique à la hauteur de sa réputation.
✋ Les mains du miracle, Joseph Kessel
Pour la deuxième fois de ma vie seulement*, une voisine de métro m’a interpellée pour me dire « ce livre est un chef d’œuvre, vous allez adorer ». Et ça a bien été le cas (madame, si vous me lisez !).
L’histoire est incroyable, folle, irréelle et pourtant vraie (le médecin d’Himmler a contribué à sauver des milliers de personnes pendant la Seconde Guerre). Kessel en fait un roman qu’on dévore, addictif et très agréable à lire.
Merci Marius de m’avoir poussée à aller vers Kessel. Ce n’est que le début. L’occasion de replacer cette vidéo de Blockbuster Littérature ; à voir.
À offrir à celles et ceux qui aiment l’Histoire, les livres bien construits et les récits incroyables mais vrais. Aussi idéal pour se remettre à lire et retrouver la flamme.
(*La première fois, étonnement, c’était il y a quelques mois pour le livre de Sonia Kronlund, lecture aussi hautement appréciée. Il faut croire que les gens ont davantage envie de parler de livres dans le métro ces temps-ci, un petit pas pour l’humanité. 👏)
Un livre essentiel sur le chaos politique
💣 Les ingénieurs du chaos, Giuliano da Empoli
Un essai où il est question de populisme, d’algorithmes qui font sombrer dans le chaos, de manipulations à l’échelle internationale et de politique quantique. C’est irrévocable, instructif et plutôt déprimant quant à notre avenir politique, ce qui en fait une lecture essentielle.
À lire en bonne forme (genre pas après les législatives… 🫠 mais tout le monde a le droit à l’erreur !)
5 bons choix dans la rentrée littéraire
🗿 Frapper l’épopée, Alice Zeniter
Aimé et déjà abordé ici.
🏚 Cabane, Abel Quentin
Déjà fan de l’auteur, je retrouve ici sa clairvoyance, sa capacité à camper des personnages impeccables et son regard si pertinent sur le monde.
Abel Quentin dresse une histoire de la (lente) prise de conscience écologique, de notre déni et de l’impuissance des sachants sur le sujet. Il s’inspire librement d’un rapport réel (le rapport Meadows) dont la lecture l’a chamboulé pour enquêter autour de la figure des 4 scientifiques, auteurs du rapport, qui devient ici, rapport 21.
Le roman part d’un Berkeley révolutionnaire dans les années 70 pour basculer, dans la deuxième partie, vers une enquête aux allures de polar norvégien, influence que l’auteur revendique.
Un récit entrainant, qui vise juste, à lire qu’on se passionne ou non pour les questions écologiques (pour une piqure de rappel toujours nécessaire).
👩❤️👨 Bien-être, Nathan Hill (en cours)
Je pourrai l’introduire comme Abel Quentin mais à l’Américaine. Ses personnages sont extraordinaires et ses romans toujours très denses.
Cette grande fresque autour d’un couple est aussi un portrait en creux des États-Unis, du monde rural aux grandes familles dont la richesse a été bâtie crapuleusement. On prend plaisir à explorer la manière dont nos vies sont bercées d’histoires, et les excès de la culture du bien-être si répandue aux US. Je ne l’ai pas encore fini à l’heure où j’écris ces lignes mais j’aime déjà fort.
À lire avec du temps devant soi, pour bien occuper son automne.
💧 Mémoires sauvées de l’eau, Nina Léger
Une histoire d’eau, d’or, de feu et de sang. Un portrait captivant de la Californie, cette terre qui me fascine comme un miroir aux alouettes.
Parmi les derniers territoires devenus américains, cette région, pourtant si fragile et infertile, a été fondée sur un pillage, un génocide et un mirage, la promesse d’un enrichissement sans limites. Ce rêve d’or a perduré avec la Silicon Valley et la révolution informatique. Saurait-elle encore se réinventer ?
Le roman explore ici surtout le passé, ce qui tombe aujourd’hui en ruine. Il est bien rythmé, construit de manière très poétique, sensible et offre une approche originale du sujet. Il est aussi question des peuples natifs américains, de la romancière Ursula K Le Guin et d’amour contrarié.
Je vous le recommande si vous aimez comprendre l’origine des états, remonter au cœur des choses et découvrir une plume forte et délicate à la fois.
🧚♀️ Mélusine reloaded, Laure Gauthier
Un roman délicat et surréaliste qui invite à (se) préserver. Il y est question d’amour et de (sur)vie. On s’y perd parfois mais l’émotion est là, les sourires aussi.
Une forme expérimentale que je ne conseillerais pas à tous mais c’est une lecture intéressante et rafraîchissante.
Sans s’éterniser, ceux que je n’ai pas aimés.
🪰 Frappabord, Mireille Gagné
Sans doute suis-je passée à côté de cette fable étouffante et répétitive. J’ai suffoqué sous la chaleur caniculaire et les obsédantes mouches.
🚞 Compartiment pour dames, Anita Nair
Lu dans le cadre du bookclub, je l’ai honteusement abandonné. Le style est plat, le ton candide et mièvre pour dépeindre une condition féminine bien précaire en Inde. Le roman date du début des années 2000, le nouveau soulèvement féministe des années 2010-20 rend l’approche moins appréciable ici.
🤴 Les derniers jours du parti socialiste, Aurélien Bellanger
Grosse déception de la rentrée littéraire. Comme je l’avais déjà partagé, j’attendais ce nouveau Bellanger impatiemment, moi qui ai toujours beaucoup apprécié l’auteur (pourtant décrié pour son absence de style et ses fresques dantesques). Ici, c’est trop pour moi. Trop intello, trop politique, trop érudit et sans volonté de pédagogie pour qui ne serait pas du sérail. J’ai failli abandonner plusieurs fois, je ne sais pas pourquoi j’ai persévéré.
À lire éventuellement si tu étudies les sciences politiques ou si les jeux de pouvoir te passionnent infiniment.
Deux belles surprises du côté de l’Inde
💁♀️ Charulata, Tagore
Également lu dans le cadre du cercle de lecture de la newsletter, les avis ont été plus partagés sur ce roman (aux allures de nouvelle). Une femme mariée développe une relation amoureuse (non charnelle) avec le cousin de son époux. Une Bovary à l’indienne si on veut le dire vite. Histoire vécue par l’auteur lui-même et qui a fait scandale lors de sa parution en 1901.
Pour certains, cela reste un récit court relativement anecdotique. J’y ai vu moi une grande puissance. Ce texte est concentré mais intense, subtil et très beau, doux et âcre à la fois. Cette lecture m’a marquée par sa candeur et son intemporalité, pour ce qu’elle dit des amours secrets et intellectuels, et de la vocation d’écrire.
🇮🇳 L’odeur de l’Inde, Pier Paolo Pasolini
En marge cette fois du cercle de lecture, j’ai enfin ouvert ce livre qui trainait depuis bien 10 ans dans ma pile à lire. On y découvre le pays avec le fameux auteur et cinéaste italien ; il y dévoile surtout la misère mais la grande simplicité, curiosité et gentillesse des Indiens qu’il rencontre. Un roman un peu daté (parfois raciste, par méconnaissance) mais très immersif et qui fait voyager dans le temps et les lieux.
À lire pour un avant-goût de l’Inde ou pour côtoyer l’intelligentsia italienne des années 60.
Bon moment, mais pas marquant
🙆♀️ La femme de trente ans, Balzac
J’ai appris récemment que ce livre était culte au Brésil et y représenterait la femme française (Perrine, si je ne me trompe pas ?). Et bien c’est un peu triste…
C’est du Balzac, c’est plutôt sautillant et grandiose mais pour moi cela reste un roman assez anecdotique.
J’ai tendance à toujours lire les classiques en voulant y trouver des présages, quelque chose d’aujourd’hui qui s’y écrirait déjà. Mais la condition féminine est ici si dévoyée, aussi réaliste soit-elle, que je suis lasse ; lasse de ce regard vers le passé qui dépeint, en boucle, des femmes faibles, aux cœurs dévorés et éprouvés. Plus envie de lire ça.
😶🌫️ Là où les trottoirs s’arrêtent, Baptiste Thery-Guilbert
Un récit comme un règlement de compte.
Je l’ai lu après avoir tant aimé Lésions (second titre de l’auteur dont je parlais ici), j’ai apprécié ce premier roman mais j’ai été moins embarquée.
Il y a beaucoup de rage, de colère, crachées sur la page. On y découvre plusieurs hommes, amoureux, refoulés, resplendissants et misérables. Marseille est encore très présente.
Ce récit-là est plus adolescent, très intime, quasiment trop impudique pour moi.
Hors de ma zone de confort… et pas convaincue
🐶 Demain les chiens, CD Simak
Comment parler de ce roman si chaudement conseillé par
?Je crois que je n’ai pas les codes pour l’apprécier à sa juste valeur. J’ai été déroutée par la science-fiction à laquelle je suis peu habituée ; je n’ai pas réussi à rentrer dedans. J’ai besoin, il me semble, de pouvoir faire un lien avec la réalité. J’ai trouvé le roman un peu daté, sans femme ni évocation de l’écologie ou de l’état du monde alors qu’on parle d’un futur de + 10 000 ans.
L’intrigue part du principe que l’homme éduque tant les chiens qu’ils finissent par prendre le dessus. Ce sont eux qui tentent de se souvenir de l’histoire des humains disparus ou marginalisés. Finalement, c’est le personnage de Jenkins le robot auquel je me suis le plus attachée (comme j’ai préféré C3PO dans le film bien connu — qu’est-ce que ça dit de moi ? 🤔).
Relecture bienvenue
📖 J’ai relu Comme un roman, Daniel Pennac, et j’ai été amusée d’avoir une vision qui a évoluée à l’âge adulte. Je l’ai moins lu comme une leçon, comme un manuel, que comme un état de la lecture, un constat toujours très actuel, juste et drôle. Mythique.
« Relire, ce n’est pas se répéter, c’est donner une preuve toujours nouvelle d’un amour infatigable. »
De la poésie, pour respirer
Quand j’ai eu besoin de respirer après plusieurs longs romans, j’ai été heureuse de me tourner vers des formes plus courtes et poétiques.
🦋 Bleuets, Maggie Nelson
Textes fragmentaires dans lesquels il est question de bleu mais aussi beaucoup de désir, de dépression, d’empêchement. Sans donner de réponse ni être exhaustif c’est un exercice de style sous forme d’exutoire qui tisse l’histoire d’un manque. Vibrant.
« 155. Que la moitié des adultes du monde occidental aiment aussi le bleu ne me dérange pas plus que ça, que quelqu’un se sente obligé d’écrire un livre sur cette couleur une fois tous les dix ans environ non plus. Je fais assez confiance à la spécificité et à la force de ma relation à elle pour partager. Il faut avouer par ailleurs que si cette planète ne manque pas de quelque chose, c’est bien de bleu. »
😶 J’habite près de mon silence, Georges Perros
Une découverte de ce poète à l’occasion de son centenaire. J’ai toujours beaucoup de mal à parler de poésie, je vous laisse avec un extrait qui m’a le plus touchée.
Et pour la fin d’année, j’ai envie de quoi ?
Lire une pièce de théâtre, sans doute Qui a peur de Virginia Woolf ?, de Edward Albee que m’a conseillé
.Lire mon Modiano annuel, ce sera surement une relecture de Dora Bruder.
Découvrir deux autrices canadiennes pour le cercle de lecture, Nancy Huston et Alice Munro.
Poursuivre les explorations de la rentrée littéraire.
Me laisser surprendre.
Ça sera déjà pas mal.
Vos classiques chouchous 🍬
À picorer si vous avez besoin d’idées pour (ré)explorer les classiques.
Orgueil et préjugés, Jane Eyre (Yasmine)
Le Portrait de Dorian Grey, Oscar Wilde (Yasmine, Noémie)
Le Collier de la Reine, Alexandre Dumas (Yasmine)
Le Comte de Monte Cristo, Alexandre Dumas (Noémie, Marius)
Les Misérables, Victor Hugo (Marius)
Le seigneur des anneaux, Tolkien (Yasmine)
Le mystère de la chambre jaune, Gaston Leroux (Eleonore)
Une vie, Maupassant (Eleonore)
Enfance, Nathalie Sarraute (Johana)
Si c’est un homme, Primo Levi (Becky)
L’Education Sentimentale (Noémie, Renée)
Le ventre de Paris, Zola (Noémie)
Les lettres de Madame de Sévigné (Marion) que je découvre accessibles ici.
Voyage au bout de la nuit, Céline (Marion)
La comédie humaine (Marion)
Cent ans de solitude, GG Marquez (Marion, Marius)
Persuasion, Jane Austen (Marion)
Ce que savait Maisie, Henry James — mais tout Henri James (Marion)
Le temps de l’innocence, Les Beaux mariages, Édith Wharton (Marion)
La Gloire de mon Père et Le Château de ma Mère, Marcel Pagnol (Marius)
Harry Potter, JK Rowling (Marius)
Les piliers de la terre, Ken Follett (Marius)
Sans oublier, Arc en ciel le plus beau poisson des océans (Pauline)
Dans deux semaines, rendez-vous pour une collab avec
🥳 puis parmi les sujets qui me trottent dans la tête : peut-on vraiment parler de communautés de lecteurs ? Un livre est-il trop cher ? Séparer l’œuvre de l’artiste, et autres réjouissances ou lubies d’ici là.
Merci pour ces recos !
Je suis en plein dans Bien-être (que j'adoooore)
🥳 🐠 ✍🏻 📖